Text and Translation

French original uncovered by Tabitha McIntosh; English Translation by Grégory Pierrot; Transcription by Tabitha McIntosh and Deirdre McIntosh
NÉHRI

CHEF DES HAYTIENS.

TRAGÉDIE.

EN TROIS ACTES ET EN VERS

Par Son Excellence Monsieur le Comte de ROSIERS.

A SANS-SOUCI,
De l’Imprimerie Royale.

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1819, An 16ème de l’Indépendance d’Hayti.

NEHRI

CHIEF OF THE HAYTIANS.

A TRAGEDY IN VERSE

IN THREE ACTS

By His Excellency the Count of ROSIERS.

AT SANS-SOUCI,
From the Royal Press.

*************************

1819, Year 16 of the Independence of Hayti.

A
SA MAJESTÉ
MARIE-LOUISE,

REINE D’HAYTI,

MADAME,

LE coup-d’œil indulgent qu’à la cour vous avez daigné jeter sur la TRAGÉDIE DE NÉHRI, Chef des haytiens, m’encourage à déposer aux pieds

To
HER MAJESTY
MARIE-LOUISE,

QUEEN OF HAYTI,

MADAM,

THE magnanimous look you deigned cast on THE TRAGEDY OF NEHRI, Chief of the Haytians, encourages me to lay at YOUR MAJESTY’s feet

de VOTRE MAJESTÉ l’hommage public de cette production.

Il m’est bien satisfaisant de dédier à l’Auguste Compagne de mon bien-aimé Souverain, à Celle qui a, si long-temps partagé ses périls et ses travaux, qui l’a si souvent encouragé lorsque réduit aux plus cruelles extrémités, fuyant l’oppression dans les bois, ce héros rallumait le flambeau de la liberté expirante, ralliait nos bandes disperses, ces bandes avec lesquelles il est parvenu à chasser nos oppresseurs, à Celle qui, aujourd’hui, adoucit, pour ce Glorieux Monarque, les soucis du trône, enfin à la Mère chèrie de notre auguste Prince Royal, héritier des vertus de son Père, il m’est bien satisfaisant, dis-je? de dédier à VOTRE MAJESTÉ cet ouvrage qui doit son seul mérite à la sainteté de la cause qu’il défend et à la majesté des droits d’un Peuple qui s’est placé au rang des nations civilisées et les plus heureusement constituées.

Vous y reconnaîtrez, MADAME, ce courage héroique, cette fermeté d’âme, cette constance à toute épreuve qui ont fait, si souvent, la gloire de notre pays, le triomphe de notre cause, et qui ont enfin assis sur le trône le guerrier immortel à qui le Ciel a bien voulu les donner en partage.

Quoique mon pinceau se soit cru fort au dessous des tableaux sublimes qu’exige cette scène, à jamais mémorable, il a cependant laissé sur ses empreintes quelque chose, s’il m’est possible de

the public homage of this production.

To the August Partner of my beloved Sovereign, who for so long has shared his perils and travails, who so often encouraged him when, reduced to the cruellest extremities, fleeing oppression into the woods, this hero rekindled the torch of dying freedom, rallied the scattered bands with whom he managed to chase our oppressors; to the One who, today, softens the worries of the throne for this Glorious Monarch; to the Beloved Mother of our august Prince Royal, heir of his Father’s virtues, it is with utter satisfaction that I dedicate a work whose only merit lies in the sanctity of the cause it defends, and to the majestic rights of a People who have raised themselves among the ranks of the most felicitously constituted, civilized nations.

You will recognize in these pages, MADAM, the heroic courage, strength of soul, and the unflappable constancy that have so often made the glory of our country, the triumph of our cause, and eventually put on the throne the immortal warrior to whom Heaven also gave these virtues.

Such an eternally memorable scene requires sublime tableaux which I believed my brush inadequate to render; yet—if I may so

m’exprimer ainsi, de semblable aux paillettes d’or que l’on voit rouler parmi le sable du ruisseau précieux que je m’étais proposé d’exploiter. Que ne peut pas l’amour de la patrie joint au désir de célébrer son Roi?

Il m’est glorieux, MADAME, d’avoir votre approbation, et le bonheur que cette pièce a eu de vous être agréable me suffit, car il en est de votre suffrage et de votre goût éclairé comme de ces astres radieux qui, venant opérer leur degré de conjonction avec d’autres plus petits et plus obscurs, répandent sur eux leur éclat et leur magnificence.

J’ai l’honneur d’être, avec le plus profond respect,

MADAME,

DE VOTRE MAJESTÉ,

Le très-humble, très-obéissant très-fidèle et très-respectueux
Serviteur et Sujet
.

COMTE DE ROSIERS

express myself—there remains in my brushstrokes something akin to the gold flakes one can see rolling in the sand of the precious brook I designed to utilize. Is there anything that love of country—when joined to the desire to celebrate one’s King—cannot accomplish?

It is my glory, MADAM, to have your approbation, and I am content with knowing that this play was agreeable to you, for it is with your suffrage and enlightened taste as with the radiant stars which, as they operate in conjunction with smaller, dimmer bodies, flood them with their brightness and magnificence.

I am honoured to be, with the deepest respect,

MADAM,

YOUR MAJESTY’s

Very humble, very obedient, very faithful and respectful servant and Subject.

COUNT OF ROSIERS

ARGUMENT

La Capitale est assiégée par terre et par mer. Un débarquement s’est déjà opéré au Limbé, et un autre s’est effectué au Fort-Liberté; le reste de l’expédition, secondé des forces navales, attaque la Capitale, et échoue dans son enterprise. Les débris de ces troupes mises en déroute, ayant réussi à se rallier aux deux premiers débarquemens qui ont formé leur jonction, livrent un nouvel assaut à la Capitale, et la victoire demeure aux haytiens.1

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ARGUMENT.

The Capital is under siege, by land and sea. Troops have already disembarked at Limbé and Fort-Liberté. The remaining expeditionary troops, backed by naval forces, attack the Capital and fail in this endeavor. The routed remnants of these troops manage to unite with the aforementioned disembarked units, and together they strike again at the Capital. Victory remains with the Haytians.1a

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ACTEURS2

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NÉHRI, chef des haytiens.
ATALBA, général, commandant l’avant-garde.
OTHELLO, général, commandant l’aîle droite.
THAMAS, général, commandant l’aîle gauche.
OSMAN, général, commandant le centre.
ROSALBAN, général, aide de camp, commandant le corps de réserve.
OROZIMBO, général, commandant l’artilllerie.
ALZINCA, général, aide de camp, commandant la cavalerie.
L’AMBASSADEUR, français.
ALSOMPHE, capitaine-général de l’expédition française, prisonnier.
LATOUR, son premier aide de camp, prisonnier.
MONTALBAN, son 2ème aide de camp, prisonnier.
SAINT-RÉAL, son 3ème aide de camp, prisonnier.
OFFICIERS, faisant leur rapport.
SUITE de NÉHRI.
ÉLITE, des guerriers.

La scène est en la Capitale d’Hayti, dans la Grande Salle du Palais de NÉHRI, et se passe en 1802.

ACTORS2a

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NEHRI, chief of the Haytiens.
ATALBA, general, commanding the vanguard.
OTHELLO, general, commanding the right wing.
THAMAS, general, commanding the left wing.
OSMAN, general, commanding the center.
ROSALBAN, general, aide de camp, commanding the reserve unit.
OROZIMBO, general, commanding the artillery.
ALZINCA, general, aide de camp, commanding the cavalry.
THE AMBASSADOR, French.
ALSOMPHE, captain general of the French expedition, prisoner.
LATOUR, hist first aide de camp, prisoner.
MONTALBAN, his second aide de camp, prisoner.
SAINT-REAL, his third aide de camp, prisoner.
OFFICERS, reporting.
NEHRI’s retinue.
ELITE warriors.

The scene is Hayti’s Capital, in the Grand Hall of NEHRI’s Palace, in 1802.

NÉHRI
CHEF DES HAYTIENS.
TRAGÉDIE.

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ACTE PREMIER
SCÈNE PREMIÈRE
NÉHRI, quelques uns des Officiers généraux.

NÉHRI.

La voilà donc, pour nous, l‘époque mémorable
Où, sur ce vaste champ, ma caste déplorable
Va pleinement venger, aux yeux de l’univers,
Tant d’affronts inouis, tant de forfaits divers.
Qui! moi! quand sur ces bords un orgueil sanguinaire
De l’homme outrage, en nous, l’auguste caractère,
Quand il insulte au ciel, chanceler ou pâlir!…
Jusqu’à baisser mon front làchement m’avilir!…
Ah! plutôt que la foudre!… on disait que la Seine
Elevait des autels à la sagesse humaine.
Ce bien dont les français paraissent tant épris,
L’ont-ils fait pour eux seuls? y sommes-nous compris?

NEHRI
CHIEF OF THE HAYTIANS.
A TRAGEDY.

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ACT ONE
SCENE ONE
NEHRI, and a few of the General Officers.

NEHRI

THE memorable time is now come at last,
When, on this vast field, my downtrodden caste,
Shall avenge in full, in the eyes of the universe,
Many an awful insult, vile infamy and worse.
Should I lower my head, should I tremble or hide
When on these shores a most bloodthirsty pride
In us the august character of man shuns
When it sputters insults high to the heavens!…
Should I grovel or thunder?… By the Seine, it is said by some
Were elevated altars to human wisdom
This gift so beloved of the old land of Gaul
Is it just for the French? Does it include us all?

(6)
C’est un secret qu’il faut leur arracher moi-même,
Et peut-être ce jour résoudra le problême.
Toi, pour qui je respire, et pour qui j’ai tout fait,
Liberté! don divin! délicieux bienfait!
Tu graveras nos noms de tes mains triomphantes
Ou nos toîts pétillans sous des torches adrentes,
Nos tyrans déchirés, leur cendre en proie aux vents,
Attesteront l’effort de tes mâles enfans.
Contre Hayti, bientôt, l’on tente une entreprise;
Oui, je veux que la terre, ébranlée et surprise,
Aux coups que porteront nos bras audacieux,
Reconnaisse, en nos rangs, des mortels précieux.
Mais je vois Alzinca….

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SCÈNE II.
NÉHRI, Les PRÉCÉDENS, ALZINCA, ROSALBAN.

ALZINCA

Seigneur, l’exprès fidèle
De qui l’on attendait une grande nouvelle
Arrive…. et cette lettre….

NÉHRI, (après avoir lu.)

Oui, je sens s’approcher
Le moment décisif: du haut de nos rochers,
Déjà des Dahomets (*) l’impétueuse élite,
Comme un torrent fougueux, fond, et se précipite.
Enfin le juste Ciel, propise à ma valeur

(*) Nom d’une nation guerrière de l’Afrique donné à la milice du Royaume.

(6)
This secret I shall have to pry from them,
And on that day possibly solve our problem.
You, for whom I breathe, who leads my every action,
Liberty! Divine gift! O sweet benefaction!
Thy triumphant hands shall carve our humble names,
Or the roofs of our homes, bubbling with ardent flames,
Our tyrants torn to pieces, their ashes blown away,
Shall prove the efforts of your sons to win the day.
Soon against Hayti an attempt they shall make,
Yes, I wish for the earth to tremble and to quake,
With the powerful blows stricken by our audacious
Arms, and precious mortals recognize among us;
But here comes Alzinca…

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SCENE II
NEHRI, THE PREVIOUS, ALZINCA, ROSALBAN.

ALZINCA

Sire, the faithful messenger
Of whom we expected an important letter
Has arrived… and this dispatch…

NEHRI, (after reading)

Yes, I feel it close at hand,
The crucial moment: and already from the high lands,
Our fiery elite, the mighty Dahomeys,(*)
Rush like a fearsome torrent down into the valleys
Finally fair Heaven, propitious to my valor,

(*)Name of a warrior nation of Africa given to the Kingdom’s militia.

(7)
De sauver Hayti va donc m’offrir l’honneur.
Revolez, Alzinca, vers la première ligne;
Dites-lui que l’ensemble, un héroïsme insigne
En ces lieux, peuvent, seuls, maîtriser les destins
Que mon front verra fuir ces despotes hautains
Qui d’un bras invincible osent douter encore
Et qu’à mes yeux, déjà, vient de briller l’aurore
Qui doit de son éclat décorer nos lauriers.
(Alzinca sort.)
Rosalban!

OTHELLO, répondant.

Il accourt.

ROSALBAN, accourant.

Seigneur, mille guerriers,
De leurs corps ont déjà couvert nos batteries.
L’escadre des tyrans…

NÉHRI.

Aux armes, fils de Mars!
Partout faites flotter vos sacrés étendarts;
Déployez ces guidons, ces enseignes terribles
De Néhri, de l’état, emblèmes invincibles;
Je veille à votre sort, vos ordres sont tracés,
Vos mouvemens prévus, vos besoins dévancés:
Avec notre salut il est incompatible.

(Après avoir parcouru les généraux formés sur deux lignes.)

Que chacun, ferme, actif, en son poste assigné,

(7)
To save beloved Hayti ere soon shall do me the honor
Fly again, Alzinca, and return to the frontline;
Tell our troops that unity and heroic design
Can in our time and place rein in our destiny
These condescending despots I shall see made to flee
Who dare doubt the resolve and power of our brawn
Tell them that I have seen the most resplendent dawn
Which with its rays of gold shall garnish our laurels.
(Exit Alzinca.)
Rosalban!

OTHELLO, answering.

He makes haste.

ROSALBAN, running.

In your beloved steps, Sire,
A thousand warriors follow gladly
Already their corpses cover our battery
And the tyrants’ squadron…

NEHRI.

To arms, sons of Mars!
Fly your sacred standards against the stars;
Unfurl your flags, your terrible motifs
Mighty emblems of the state, of Nehri, your chief;
I watch over your fate, I have drawn your orders,
Predicted all your needs and planned your maneuvers:
To their offer of chains can be no capitulation,
It is incompatible with our salvation.
(After reviewing his generals lined up in two rows.)
Each at your assigned post, strong-willed and spry

(8)
Triomphe, d’un œil fixe, ou succombe aligné;
Et si, pour un instant, flotte ou fuit la victoire,
De moi vous recevrez les leçons de la gloire.

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SCÈNE III.

NÉHRI, Les PRÉCÉDENS, ATALBA.

ATALBA, remettant une lettre à Néhri.

Seigneur, l’ambassadeur de ce peuple ennemi
Demande à vous parler. Dans leur zèle affermis
Des bords haytiens et le peuple et l’armée
Verront par leurs efforts ces hordes désarmées;
Partout brille, à l’envi, la généreuse ardeur
D’expirer sur la brèche, où d’y monter vainqueur?
Dans tous les cœurs j’ai lu; la patrie y domine,
La Liberté, voilà leur idole divine:
Au bruit d’antiques fers, le désespoir est tel
Qu’ici l’indépendance obtiendra des autels.

NÉHRI.

Va, de tous mes projets sage dépositaire,
Et conduits, à mes pieds, ce nouveau téméraire.

(Atalba sort.)

(8)
Triumph with open eyes or, standing your ground, die;
And if for an instant we eschew victory,
You shall receive from me the lessons of glory.

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SCENE III.

NEHRI, THE ABOVE, ATALBA.

ATALBA, handing a letter to Nehri.

Our enemy’s ambassador, Sire
Demands to speak to you. The strongest desire
Drives from everywhere our people and soldiers
To spare no effort and unarm the invaders;
A generous ardor shines in all corners
To die upon the breach, or scale it as victors?
In Haytian hearts I find a burning love of country
Their most sacred idol is goddess Liberty:
Such is their despair at old irons’ infernal clatter
That independence here shall be built many an altar

NEHRI.

Go, you wise bearer of my every plan
And at my feet drag our foe, this bold man

(Exit Atalba.)

(9)

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SCÈNE IV.

NÉHRI, Les PRÉCÉDENS.

NÉHRI, après avoir rapidement parcouru la lettre qu’il met, aussitôt, dans son sein.

Quel est donc cet Alsomphe? … il est loin de penser
Jusqu’où, dans cet écrit, il a pû m’offenser.
Me proposer, Grand Dieu! de livrer ma patrie
Sans loi, sans garantie à ma caste flétrie!
A peine brille aux yeux l’auguste liberté
Et déjà l’on voudrait qu’en ces lieux sa fierté…..
Non, quand j’aurais perdu ce feu qui me dévore,
Mon nom pour son triomphe y combattrait encore.

(Néhri sort.)

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SCÈNE V.

Les PRÉCÉDENS, dans l’enfoncement, après avoir accompagné Néhri jusqu’à la dernière coulisse, Atalba les y joignant, après avoir introduit l’ambassadeur.

L’AMBASSADEUR, (bas sur le bord de l’avant-scène.)

A m’ouvrir franchement tout me vient stimuler;
Je péris, si je parle, il faut dissimuler:
N’en pouvant résulter nul effet profitable,
Dans mon sein renfermons un secret redoutable.
Ces lions rûgissans, rongeans encor leurs fers,

(9)

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SCENE IV.

THE ABOVE, NEHRI.

NEHRI, quickly reads the letter and immediately puts it in his bosom.

Who might this Alsomphe be? He is far from thinking
How offensive he was to me in his writing.
He asks me, dear God! my country to surrender
No law nor guarantee my sorry caste to offer!
No sooner shine the rays of august liberty
That they would in this place jeopardize its dignity…
No! were I to lose the fire that burns inside me
Still I would continue to fight for her glory.

(Exit Nehri.)

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SCENE V

THE ABOVE, in the alcove, after accompanying Nehri backstage. Atalba joins them after introducing the ambassador.

THE AMBASSADOR, (low on the edge of the stage.)

Everything in this place inspires me to confess
But I die if I speak so these thoughts I suppress:
From this there can be no profitable result,
In my breast this dread secret I shall occult
These roaring lions, gnawing at their chains still

(10)
Déjà de leur furie étonnent l’univers;
Par Néhri façonnés tout leur sera possible,
Sous un tel bras ils vont devenir invincibles,
Et cet astre brillant annonce, à son berceau,
L’éclat qui peut, un jour, luire sur nos tombeaux.
Ne perdons pas de temps; il est de la prudence
D’arrêter, en son cours, une telle puissance.

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SCÈNE VI.

Les PRÉCÉDENS, NÉHRI de retour, un plan roulé à la main.

ATALBA, à Néhri qui entre.

Voici l’Ambassadeur:

NÉHRI, à l’Ambassadeur.

Viens, reprends tes esprits,
Je veux être pour toi, sans courroux, sans mépris:
De tes lèvres, surtout, bannis toute imposture,
J’attends l’expression de la vérité pure.

L’AMBASSADEUR

Vous n’entendrez, seigneur, aucun honteux discours.
Avant que nos exploits ne commencent leur cours,
Avant que de la France une affreuse étincelle
N’éclate, en ce pays, sur des têtes rebelles,
(S’il devait, toute fois, s’en trouver parmi vous,)3
Et ne l’écrase, enfin, du poids de son courroux,
Souffrez qu’elle s’explique, ainsi, par mon organe;
« Sur moi, depuis vingt ans, la gloire brille et plane,
« Le léopard ami protège, ici, mes pas,

(10)
Amaze the universe with their indomitable will
Nehri shapes them and all becomes possible
Under his command they become invincible
What this shining star announces, infant barely out of the womb
Is the radiance that may soon blaze bright above our tomb
Let us not waste our time; prudence deems it right
To stop, in its course, such terrible might.

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SCENE VI

THE ABOVE, NEHRI coming back holding a rolled up map.

ATALBA, to Nehri coming in.

Here comes the Ambassador:

NEHRI, to the Ambassador.

Come, and your spirits gather,
I mean to speak to you without disdain or anger:
By all means, from your lips, banish all imposture,
I expect nothing but the truth most pure.

THE AMBASSADOR

Sire, you shan’t hear any shameful discourse
Until our exploits start on their due course,
Until a dreadful spark come to this country from Gaul
Above rebel heads burst in a fireball
(If some among you to be such do aspire,)3a
And crush the land under the weight of its ire,
Suffer France, if you shall, to address you through me;
“For twenty years over me has shone floating glory,
Here the friendly leopard keeps watch over my track,

(11)
« Gardez-vous d’attaquer la fortune en mes bras;
» Mon tonnerre est encor concentré dans la nue,
» C’est assez d’en tenir la fureur suspendue:
» Ou tout perdre, à jamais, ou recevoir ses loix,
» Voilà ce qu’un consul propose par ma voix.
» Hâtez-vous de baisser vos trop superbes têtes,
» Ajoutez ce rivage à ses autres conquêtes;
» S’il ne voulait aux siens assortir vos lauriers,
» Sous la terrible faux de vingt mille guerriers
» Les trames de vos jours bientôt seraient tranchées
» Comme le feu détruit vos cannes desséchées….»4

NÉHRI.

Attends; je vais parler pour moi, pour mon pays.
Que m’importe un Consul? à l’honneur j’obéis.
Ici que prétend-il, quand son feu qui nous brave
Veut, dans chaque mortel, rencontrer un esclave?
Jaloux qu’au Nouveau Monde on admire ses pas
Il dévore de l’œil ces fertiles climats;
D’affranchir son pays tout grand cœur se propose,
Il faut que ma fortune à la sienne s’oppose:
(en montrant ses généraux.)
Le rocher d’Hayti, quand tels sont ses appuis,
Ne peut être ébranlé, bien moins crouler par lui,
Le plus faible rempart lui prépare des pertes
Qu’en Egypte ses rangs n’avaient jamais souffertes.5
Qu’il ne s’y trompe pas; du fer seul, des héros,
Ont, ici, remplacé le plus cher des métaux.
Nos dards sont éprouvés: la dure expérience
Les trempa dans des eaux qu’apprète sa science.
Je veux qu’on dise, un jour: « Au bout de l’univers
« Napoléon portait ses armes et ses fers, »
» C’était fait d’Hayti, de ce triste rivage, »
» S’il n’avait rencontré Néhri sur son passage »

(11)
Beware!—it is fate in my arms you attack;
My thunder the clouds in the heavens fills,
Hard enough just to let it gather and build:
To receive France’s laws or to lose everything
Such is the offer from the Consul that I bring.
Hasten to lower your proud heads on his behest
Add these shores to the list of his many conquests
If your laurels with his he did not wish to be laid
Twenty thousand warriors’ terrible blade
Would soon do quick work of harvesting your days
Like fire swallowing your dry cane in a blaze…4a

NEHRI.

Wait; I shall speak for myself and for my land.
What matters a Consul? Honour is my command.
What pretend he to do here, when his fiery wave
In every mortal man expects to find a slave?
So eager is he for the New World to yield
With his eyes he devours these most fertile fields;
Every great heart means his country to free,
Therefore to his fate mine must prove contrary:
(pointing to his generals)
The rock of Hayti, when so gloriously moored,
Could never be shaken or broken by your Lord,
The most weak of our ramparts prepares to offer
Losses worse than his Egypt troops were ever made to suffer5a
Let him not be mistaken: here our heroes most bold
Solely with iron have replaced all gold
Our darts are weathered; our harsh experience
Have cooled them in waters prepared with its science.
I want it said, one day: “To the ends of the world
His weapons and chains Napoleon had hurled
This would have been the end of this sad Haytian strand
Had not on his path Nehri taken a stand.”

(12)
L’AMBASSADEUR.

Il en coûte beaucoup à notre général
De vous avoir, Seigneur, en ces lieux pour rival.
Puisque vous nourrissez ce dessein condamnable
De tout, dès ce moment, vous êtes responsable.6
Vous allez vous briser contre un terrible écueil,
Et que ne puis-je, hélas! adoucir votre orgueil!
Abjurez d’Hayti la puissance usurpée;
Qui vous donna ce droit?

NÉHRI.

Ma cause et mon épée.

L’AMBASSADEUR.

Quoi! la possession des bords haytiens
Qui voit jusqu’à Fernand remonter ses liens!…
Cette conquête, enfin, dont date votre histoire!…
Quel titre pouvez-vous?….

NÉHRI.

Celui de la victoire.
Eûtes-vous d’autres droits sur le peuple indien?
Ton dernier mot: termine un pénible entretien.

L’AMBASSADEUR.

Livrez, sans garantie….

NÉHRI.

A ce sanglant outrage
J’ai maîtrisé mes sens, que veux-tu davantage?
Faut-il donc qu’au maintien des droits de ces climats
Soit, hélas! attaché le destin des combats?
Quoi! du Ciel je ne puis retracer que la foudre,
Quand, ici, les français vont tout réduire en poudre!

(12)
THE AMBASSADOR

To our general it is a tremendous blow
To find you, dear Sire, in this land as a foe.
You harbor in your heart this damnable design
To you therefore all guilt we must surely assign6a
You shall be crushed against this most terrible tide,
Alas! Would that I could somehow abate and calm your pride!
Renounce the usurped power of Hayti, my lord
Pray, who gave you the right?

NEHRI.

My cause and my sword.

THE AMBASSADOR

What! The ownership of the Haytian strands
Whose title once rested in King Ferdinand’s hands!
This conquest, finally, where began your history!
Pray, what title can you…?

NEHRI.

That bestowed by victory.
Had you any other rights on the Indian nation?
Your last word: and end this sorry conversation

THE AMBASSADOR

Surrender without conditions…

NEHRI

At this bloody affront
I controlled my temper, what else is your wont?
Could it be that on maintaining the rights of these climes
Depends the issue of these bellicose times?
What! I can only copy heaven’s lightning flashes
When down here the French would turn all to ashes!

(13)
Rosalban, écoutez: sitôt que des tyrans
Les orgueilleux vaisseaux auront prêté leurs flancs,
Que boulets enflâmés, et qu’obus et grenades
Les brisent dans les airs, ou les plongent en rade!
A coups sûrs et pressés, détruisez ces canots
Qui débarquent la troupe, en glissant sur les flots;
De nos fiers escadrons la foule inexpugnable
Et de nos vieux guerriers les murs impénétrables
Recevront la descente. (à l’Ambassadeur.)
Adieu, tes pas sont nuls;
Apprends comme on répond aux ordres d’un consul.
(l’Ambassadeur sort.)

*************************

SCÈNE VII.

NÉHRI, Les PRÉCÉDENS.

NÉHRI.

Illustres compagnons! héroïques courages!
Vous qui régénérez, et vengez ce rivage!
Invincibles soutiens, qui n’avez d’autre but
Que l’éclat du pays, sa garde et son salut!
L’époque vient de naître où nos plans magnanimes
Vont se consolider sur des exploits sublimes.
Il s’agit de défendre et famille et foyers,
Qu’avec plaisir, alors, nous allons déployer
Tout ce feu qu’un Dieu juste a soufflé dans nos âmes!
L’honneur arme nos bras, Hayti les réclame.
Vous volerez bientôt à vos drapeaux chéris,
Voilà ce qu’attendaient les appuis de Néhri.
Oui, les temps sont venus: pleins d’ardeur, de vaillance,
Combattez pour vos droits, pour votre indépendance;

(13)
Listen, Rosalban: as soon as the despots
To our batteries presents the proud sides of their flot
Let the grenade and grapeshot, the red hot cannonball
Destroy them in the air, bury them in the squall!
With swift and precise shots, destroy all of these naves
Come to unload their troops from way beyond the waves;
Our proud squadrons, our old warriors,
Shall descend upon their impregnable soldiers
And impassable walls. (to the Ambassador.)
I bid you adieu, your effort is null
Now learn how one answers the commands of a Consul.
(Exit the Ambassador.)

*************************

SCENE VII.

NEHRI, The ABOVE.

NEHRI.

Illustrious comrades! Valiant heroic band!
Rejuvenators and avengers of this strand!
Invincible supporters, who hold no calculation
But to guarantee the radiance of this land and its salvation!
For our magnanimous plans, the time is now complete,
They shall find their foundations in our glorious feat.
Our families and our houses we must now defend,
With the deepest pleasure we shall now extend
The fire God has breathed in the depth of our souls!
Honor adorns our arms, for them Hayti tolls.
You shall soon fly to your precious ensigns,
To which Nehri’s supporters their hope had assigned
Yes, the time has come: filled with courage and might
Wage battle for your rights; for independence, fight;

(14)
Vous me verrez, toujours, au poste du danger,
Prêt à vous soutenir, prêt à vous dégager,
Prendre les forts d’assaut, renverser les murailles,
Et n’avoir d’autre lit que le champ de bataille.
Qu’alors vos flots brillans, toujours plus redoutés
Sachent vaincre ou périr, luttans à mes côtés!
La patrie, aux héros équitable et fidèle
Ombragera vos fronts d’une palme immortelle.(Tirant de son sein une lettre qu’il livre à la connaissance des généraux.)

Lisez dignes guerriers! sachez par cet écrit
Du général français les desseins et l’esprit.

ROSALBAN, lisant tout haut la lettre.

Cependant je diffère, et mon âme est charmée
» De vous offrir, Seigneur, la belle occasion
» De terminer la guerre et nos divisions.
» D’Albion le traité, l’heureuse intelligence
» Laissent un libre cours aux projets de la France,
» Si vous ne remettez Picolet et Belair. (*)7
» Quinze mille guerriers, aussi prompts que l’éclair,
» Élancés sur vos bords vengeront cette injure.
» J’attends une réponse et votre signature ».
ALSOMPHE.

NÉHRI.

Hé bien! cher Rosalban.

ROSALBAN.

Ce n’est qu’au champ d’honneur
Qu’une telle réponse eût flatté ma valeur,

(Ici tous les généraux tirent leurs épées.)

(*) Noms de deux Forts qui défendent l’entrée de la rade.

(14)
You shall see me always fast in the heart of peril, steady
To give you support and succor, ready
To storm the forts, their thicks walls pound
To have no other bed but the battleground.
May then your brilliant throngs, in their much dreaded pride
Know to succeed or perish, combating at my side!
The homeland, to her heroes ever fair and ever loyal,
Shall shade your glorious brows with laurels immortal.
(Pulling a letter from his bosom and handing it to the generals.)
Read, proud warriors! Discover in this letter
This Gallic general’s design and character.

ROSALBAN, reading the letter out loud.

“The entire island will burn at my command;
Yet my soul is eager to give the countermand
And offer, dear Sire, an opportunity
To terminate the war and our enmity.
This most welcome of truces, the new treaty with Albion
Have given France the freedom to act on its ambition,
Were you not to hand us Picolet and Belair.(*)7a
Thousands of our warriors, moving swift as the air,
Swarming upon your shores will avenge this slander
I await your response joined with your signature.”
ALSOMPHE.

NEHRI.

Well! Dear Rosalban.

ROSALBAN.

Only on the field of honor
Would such a prompt response duly compliment my valor,

(Here all the generals unsheathe their swords.)

(*)Names of two forts defending the entrance to the harbor of the Cape.

(15)
NÉHRI à Rosalban,
(Lui remettant une réponse par écrit.)

Qu’il sache qu’il n’est rien que n’affrontent mes braves,
Et qu’ici le soleil n’éclaire plus d’esclaves.

Rosalban sort.

*************************

SCÈNE VIII.

NÉHRI, Les PRÉCÉDENS, OROZIMBO

OROZIMBO.

Seigneur, plusieurs vaisseaux d’un souffle heureux poussés.
A cingler vers nos forts paraissent empressés….

NÉHRI, à la suite.

Enfans! il faut dompter le destin des batailles,
De vos corps aguerris étalez les murailles;
Quand l’ennemi paraît, la nation debout
Au soin de son salut entend immoler tout.
Aimable liberté! céleste indépendance!
Oui, vos autels sont ceux que ma valeur encense;
Notre cause sacrée, ici, triomphera,
Ou digne d’un tel sort, Néhri succombera.

OROZIMBO.

Nous respectons, Seigneur, et louons le génie
Qui nous a préservés de toute ignominie;
A jamais ses exploits, son nom, nous seront chers;
Dans nos cœurs des autels à Néhri sont offerts.
Puis-je être le témoin de ses traits magnanimes,
Et ne pas l’assurer des sentimens sublimes

(15)
NEHRI to Rosalban,
(Handing him a written response.)

Let him know there is nothing that can frighten my braves,
And in Hayti the sun no longer shines on slaves.

Exit Rosalban.

*************************

SCENE VIII.

NEHRI, AS BEFORE, OROZIMBO.

OROZIMBO.

Sire, by a happy wind blown many ships draw near
All sails out, towards our forts rushing to appear

NEHRI, following.

O children! You must tame the fate of battles,
And with your hardened bodies, down the walls will rattle;
When the enemy comes, the nation standing tall
For salvation intends to sacrifice all.
Divine independence! Loveable liberty!
My valor sings praises at your altars gladly;
Our sacred cause in this place will prevail,
Or worthy of such fate, in death Nehri shall fail.

OROZIMBO.

Dear Sire, we do respect and sing
The genius who preserved us from ignominy’s sting;
His grand feats, his dear name, we shall never erase;
In our hearts we have built shrines for great Nehri’s praise.
Could I ever his merciful features behold
And leave these sublime sentiments untold

(16)
Que partout il inspire, et qu’on ressent pour lui!
Vos soldats, plus formés, mieux instruits aujourd’hui,
Fiers d’immortaliser vos belles destinées,
Produiront d’Hayti les célebres journées.
De nos vieux grenadiers les épais boulevarts
De nos seins éprouvés les solides remparts
Vous ont déjà promis les honneurs du triomphe.
Je jure, par ce fer, de terrasser Alsomphe;
Mais, quoi! l’ambassadeur parait à nos regards!

*************************

SCÈNE IX.

NÉHRI, Les PRÉCÉDENS, L’AMBASSADEUR.

NÉHRI, à l’Ambassadeur.

Que me demandes-tu?

L’AMBASSADEUR.

L’ordre de mon départ.

NÉHRI.

Approche, et, de nouveau, sur tout ce qui me touche
Que la sincérité s’exprime par ta bouche!

L’AMBASSADEUR.

Je vous l’ai dit, Seigneur, bientôt nos étendarts
Vont flotter sur la brèche, et tenter les hasards.
Pourquoi donc balancer à nous rendre l’hommage
Que nous doivent les cœurs sur cet heureux rivage?
Prêt à tirer le glaive, et prêt à le jeter,
Un Grand Consul par moi veut bien le répéter:

(16)
Which in all he inspires, which in all men hold sway!
Your soldiers, better trained, better learned today,
Proud to consign your fates to posterity
Shall produce famed pages in Hayti’s history.
The broad avenues of our grenadiers’ hearts
Of our wizened bosoms the sturdy ramparts
Already offer pathways for your coming triumph.
I swear on this blade to subjugate Alsomphe;
What? But the ambassador appears before our eyes!

*************************

SCENE IX.

NEHRI, AS BEFORE, THE AMBASSADOR.

NEHRI, to the Ambassador.

What ask you of me?

THE AMBASSADOR.

Your permission to leave.

NEHRI.

Come near and once more, express immediately
And with sincerity all that relates to me!

THE AMBASSADOR.

So have I told you, Sire, soon our ensigns
Shall fly above the breach, bold against foul designs.
Why should you thus demur in paying the respect
That on this happy shore from all hearts we expect?
Ready the sword to pull or swiftly put away
Through me a Great Consul deigns once again to say:

(17)
Sa haine ou son appui; c’est à votre prudence
De fixer, sur ce point, l’attente de la France.
N’allez-pas, éblouis d’une fausse splendeur,
Dans de tristes débris placer votre grandeur;
Contentez-vous d’avoir attendu notre armée,
Un tel honneur suffit à votre renommée.
Des grandeurs, des trésors….

NÉHRI.

Ils indignent mon cœur,
S’il les faut obtenir aux dépends de l’honneur.
Riche des droits de l’homme et puissant par sa cause,
C’est l’unique trésor que Néhri se propose.
Homme et libre: à ce but se bornent mes caculs,
Contre eux tout artifice et tous ressorts sont nuls.
Défenseur d’Hayti, de ses droits sentinelle
Je saurai dignement soutenir sa querelle.
Tels devant le flambeau, les clartés, du vrai Dieu
S’enfuyent de l’erreur les voiles odieux,
Tels vos rangs si vantés et vos systèmes sombres
Sauront s’évanouir, comme de vaines ombres.
Sur les flots on retient trois des mes officiers,
Jusques à leur retour tu restes prisonnier.
(L’Ambassadeur sort.)

*************************

SCÈNE X.

NÉHRI, Les PRÉCÉDENS, ROSALBAN.

ROSALBAN.

L’escadre se présente, en ordre de bataille,
L’ennemi se découvre, et sans doute il travaille
A nous livrer l’assaut.

(17)
His hatred or his help; do choose now with precaution
How you intend to quench France’s expectation
Do not, blinded by erroneous splendor
Find in dismal ruins a vessel for luster
Be content and be proud you awaited our army,
Such an honor suffices to bolster your glory.
Greatness, and treasures…

NEHRI.

They outrage my character,
The wealth of human rights is mighty in his coffers,
It is the unique treasure that Néhri proffers.
To be a man and free: sole aim my calculations sought,
Against them all the tricks and all your traps are nought
Defender of Hayti, strong guardian of its rights,
With dignity I shall support her in her fights.
Just like bathed in the lights of the torch of the true God
Disappear out of sight the odious veils of fraud
Your somber mechanics and your vaunted legions
Like vain shadows will vanish on our new horizons
Three of my officers stay hostage on the main,
Until they are returned my captive you remain.
(Exit the Ambassador.)

*************************

SCENE X.

NEHRI, AS ABOVE, ROSALBAN.

ROSALBAN.

The squadron advances in battle array
The enemy’s revealed, and doubtless he makes way
To deliver the attack.

(18)
NÉHRI.

Hé bien, il me verra,
Dans la poudre, soudain, sa foule rentrera.
Allons; que chacun vole où l’appelle la gloire!
Mes ordres sont donnés, ils tracent la victoire.
Que, partout, le français soit accablé, surpris,
Et qu’en chacun de vous il retrouve un Néhri!
(Les Généraux sortent.)

*************************

SCÈNE XI.

NÉHRI, OSMAN.

NÉHRI.

Osman! que l’attirail de ces pièces légères
Soit masqué par les rangs qui sortent des frontières!
(Ici le grand Fort tire.)
Enfin, c’est le signal qui vient de retentir:
(Jetant son casque en l’air.)
Adieu, braves soldats! vivre libre ou périr.
Vive l’indépendance!
(Néhri sort avec sa suite.)

*************************

SCÈNE XII.

OSMAN, un adjudant de place, deux officiers faisant leur rapport.

OSMAN, à sa troupe.

Il vole où la querelle
A besoin de ses plans, de son bras, de son zèle;
Puisse le juste Ciel, ce jour, le couronner!

(18)
NEHRI.

Well, he shall see me,
And his crowd shall enter a cloud of powder suddenly.
Come, one and all, fly and meet your glory!
My orders are given, they map out our victory.
Everywhere harass the Frenchman, everywhere a surprise,
May each and all of you be a Nehri in his eyes!
(Exeunt the Generals.)

*************************

SCENE XI.

NEHRI, OSMAN.

NEHRI.

Osman! Let this array of light artillery
Be swarmed by ranks flowing from our battery!
(Here the great Fort opens fire.)
Finally, our signal rings out to the sky
(Throwing his helmet in the air.)
Farewell, brave soldiers! Live free or die.
Long live independence!
(Exeunt Nehri and his retinue.)

*************************

SCENE XII.

OSMAN, an adjutant de place, two officers reporting.

OSMAN, to his troops.

He flies where the fight
Demands his plans, his zeal, his might;
May the Heavens crown him on this day!

(19)
(Ici on entend une forte explosion.)

Avec ce bruit affreux qui vient de détonner?….
Quelles commotions!.. l’air gémit!.. le sol tremble!
Et la terre et les cieux vont-ils crouler ensemble?

UN ADJUDANT DE PLACE.

Deux de leurs gros vaisseaux vers les cieux emportés
Avec explosion, dans l’air ont éclaté.
(l’Adjudant sort.)

OSMAN.

Un héroique feu de mon âme s’empare.
(à un Officier accourant.)
Quel glorieux transport et t’agite, et t’égare?…

L’OFFICIER.

Du grand fort j’accourais vous porter les lauriers,
Néhri s’avance, il est…. le phénix des guerriers,
Quelle gloire il moissonne au petit carénage
Où de nos ennemis avait tendu la rage!
Il est environné de blessés, de mourans,
Je crois entendre encor leurs soupirs déchirans….
Terrible, il nous harangue, il brandit son épée,
Elle est du sang français et fûmante et trempée!…
J’ai vu ces fiers lions entre eux se dévorans,
Les coursiers entassés sur leurs corps expirans….
Néhri, dont la valeur ne connaît point d’obstacles.
A nos yeux étonnés prodigue les miracles.
(l’Officier va reprendre son rang.)

UN OFFICIER, tout essoufflé.

J’allais d’après votre ordre, observer vers le lac;
Mais, déjà, les français nous disputaient le bac.

(19)
(Here a loud explosion is heard.)
What terrible noise now fills me with dismay?…
What commotions! The air moans! The ground rumbles!
Are the earth and the skies together to crumble?…

AN ADJUTANT DE PLACE.

Two of their widest ships were scattered in the air
Taken to the skies in an enormous flare.
(Exit the Adjutant.)

OSMAN.

A heroic fire has overtaken my soul.
(to an Officer rushing in.)
What glorious transport agitates and stirs you whole?

THE OFFICER

From the great Fort I rush to bring you these laurels
The phoenix of warriors, forward Nehri ambles,
Near the careening basin what glory he does harvest
Where our enemies would have put us to the test!
There he stands surrounded by the dying and the dead,
Their heart-rending whispers still echo in my head…
Terrible, he exhorts us, he brandishes his blade,
Still smoking from the French blood with which it is glazed!…
I saw these proud lions devour each other,
Their steeds on top of them expire together …
Nehri, whose vaunted valor suffers no obstacles,
Under our startled eyes works many miracles.
(The Officer steps back into position.)

AN OFFICER, out of breath.

Following your orders, I was observing the lake
Where our hold on the ferry the French troops meant to break.

(20)
Soudain Néhri paraît, ils perdent leur audace;
Ce héros de la scène a fait changer la face.
(l’Officier va reprendre son rang)

OSMAN.

Mon courage s’enflâme, à ce récit brûlant.
Amis! le bruit redouble, et gronde en approchant….
(à la troupe.)

A vos rangs; immobile; hé quoi, j’entends la charge!
(aux bataillons rangés.)

Qu’un seul et même coup signale vos décharges!

*************************

SCÈNE XIII.

LES PRÉCÉDENS, NÉHRI, LES GÉNÉRAUX ALSOMPHE, LES COMBATTANS.

ALSOMPHE, dans la coulisse,

Non, tu n’es pas vainqueur.

NÉHRI, dan la coulisse.

A moi; les grenadiers.

ALSOMPHE, (terrassé par Orozimbo, en entrant en scène.)

Quo! je succombe!… â Ciel!

NÉHRI, entré en scène.

Alsomphe est prisonnier.

ALSOMPHE.

Tranche, plutôt, mes jours.

(20)
Nehri swiftly appears, they soon lose their valor;
The presence of this hero has changed things for the better.
(The Officer steps back into position.)

OSMAN.

My courage is aflame at hearing this burning tale,
Friends! The clamor grows louder, thunders near in the gale…
(to the soldiers.)

To your ranks; at attention; I hear the clarion call!
(to the battalions in ranks.)

Stand and fire your weapons at once one and all!

*************************

SCENE XIII.

AS ABOVE, NEHRI, THE GENERALS, ALSOMPHE, THE COMBATANTS.

ALSOMPHE, backstage,

No, you are no victor.

NEHRI, backstage.

To me, grenadiers.

ALSOMPHE, (brought down by Orozimbo as he walks onto the stage.)

What! I yield!… Good Heavens!

NEHRI, now on stage.

Alsomphe is my prisoner.

ALSOMPHE.

Cut my days instead.

(21)
NÉHRI.

Ton vainqueur le dédaigne:
Ces lois que suit l’honneur, moi! que je les enfreigne!
(Aux Généraux.)

Arrêtez le carnage; épargnez les vaincus;
Allez, qu’on m’en réponde! et qu’ils soient détenus,

LE PEUPLE ET L’ARMÉE.

Vive à jamais Néhri! gloire à son bras terrible!
Honneur à ce héros, à sa troupe invincible!

Fin du Premier Acte.

***

(21)
NEHRI.

This, your victor refuses:
The sacred laws of honor are ones he never abuses
This I cannot accept
The sacred laws of honor are my only precept
(To the Generals.)

Stop the carnage; spare the defeated;
Put them under arrest; my orders be heeded,

THE PEOPLE AND THE ARMY.

Glory to his mighty arm! May forever live Nehri!
Honor to this hero and his invincible army!

End of the First Act.

***

(22)

*************************

ACTE II

SCÈNE PREMIÈRE.

NÉHRI, OTHELLO.

NÉHRI.

De ces français captifs, quoi! l’implacable coeur
Ose abuser, ainsi, des bontés d’un vainqueur!

OTHELLO.

Un des leurs, mécontent, par esprit de vengeance,
M’a fait de leurs projets l’utile confidence;
Maître de ces secrets, dans leurs profonds sentiers,
Avec art, aussitôt, j’ai sû m’initier.
Pour préserver vos jours, et sauver cet empire
Déjouant leurs complots, avec eux je conspire:
Othello, paraissant de leur système épris,
Caressant leur chimère, abuse leurs esprits.
J’ai dû de ces horreurs vous signaler les traces.

NÉHRI.

A ton zèle, à tes soins, Othello! je rends grâces
Ici, j’attends Alsomphe, et j’avais le dessein
D’adoucir de son sort le rigoureux destin;
A présent je veux voir, en cette conférence,
De quel front il pourra soutenir ma présence.
Toi, cependant, ami! durant cet entretien,
Partout jète les yeux, observe, écoute bien,
Et des moindres détails vole, aussitôt, m’instruire,
(Othello sort)

(22)

*************************

ACT II

SCENE I.

NEHRI, OTHELLO.

NEHRI.

What! The implacable heart of these French prisoners
Would thus abuse the kindness of their victors!

OTHELLO.

A malcontent among them, angry and bent on vengeance,
Revealed their hidden projects in useful confidence;
Now master of these secrets, their darkened paths I followed,
With art I knew to initiate myself into their code.
Defender of your days, guardian of this empire
To foil their plots I sit with them and pretend to conspire:
I, Othello, appeared enamored with their system,
Entertained their illusion and subtly deceived them.
The hints of these horrors, to you I had to reveal

NEHRI.

Othello! I give thanks for your efforts and your zeal
It was my design, standing here as I wait
To soften Alsomphe’s stern, merciless fate;
I now want to see, in our coming conference,
With what nerve he shall cope with my presence.
But you, my friend! While unfolds this parley,
Keep your eyes open, observe and listen closely,
Gather every detail, and rush back to inform me,
(exit Othello)

(23)

*************************

SCÈNE II

NÉHRI.

Oui, tels sont les français : ils voudraient tout détruire,
Tout changer, subjuguer, en ce vaste univers.
Allons; dans leurs projets confondons ces pervers:
Je vais prendre contr’eux de sévères mesures,
Et bien mieux m’assurer de cette ligne impure.

(Il sort)

*************************

SCÈNE III

ALSOMPHE, ses Aides de Camp, L’AMBASSADEUR, conduits par une garde.

ALSOMPHE.

Du Limbé, de ses champs, hardis libérateurs
Et du Fort-Liberté rapides possesseurs
Mes soldats, m’a-t-on dit, enflâmés de courage
Précipitent leurs pas pour venger mon outrage,
Et dès cette nuit même on me livre Néhri!
Quoi! sitôt ses lauriers pourroient être flétris!…
Ne vous trompez-vous pas?

LATOUR.

Non, la nuit la plus sombre
Étend sur nos projets le secret de son ombre.
Sourdement on conspire, et les fougueux transports,
Pour être comprimés, n’en seront que plus forts;
Tout sourit à nos vœux: déjà la poudrière,
Dans son sein renfermant un horrible mystère,

(23)

*************************

SCENE II

NEHRI.

For thus are the French: they would destroy gladly,
Change and subjugate all in this wide universe.
Come; let us expose the projects of these perverts:
Against them I shall take the most severe of measures,
Against their impure lineage myself I shall insure.

(Exit Nehri)

*************************

SCENE III

ALSOMPHE, his Aides de Camp, THE AMBASSADOR, led by guards.

ALSOMPHE.

Bold liberators of Limbé and its back country
At Fort-Liberté gaining control ever so swiftly
My soldiers, I hear, burning with intense courage
Tarry not on their way to come avenge my outrage,
This very night they shall hand over Nehri!
What! His laurels could wither this quickly!…
Are you not mistaken?

LATOUR.

No, the night, as black as jet
Covers our endeavors with its shadow’s secret.
Most silently we plot, our transports we suppress,
So that in the future their fire will progress;
Everything smiles on our wishes: already the powder magazine,
A horrible mystery kept in its heart, unseen,

(24)
De vous n’attend qu’un mot pour donner le signal
Et soudain dans les airs volera l’arsenal,
Chacun des conjurés, augmentant les allarmes,
Secondera nos bras du secours de ses armes.
Tout français est d’Alsomphe un zélé partisan,
Et sert à nos projets de fidèle artisan.
Néhri tout étonné n’appercevra la fondre
Qu’au moment où son front sera réduit en poudre.

ALSOMPHE.

Croirai-je que, pour moi, le sort moins inhumain
Bientôt, ici, m’apprête un triomphe certain?
Quoi! donc, lorsque Néhri s’énivre de gloire,
Je pourrais le surprendre, au sein de la victoire!
Ce n’est éclatant, en tombant à ses pieds,
Que ma foudre ouvrirait ses yeux humiliés!…
O séduisant espoir! mais, partout, ton langage
Des nôtres a-t-il su ranimer le courage?
Pense-tu que les cœurs, les bras des conjurés
Réservent des moyens et des coups assurés?

LATOUR.

Comptez sur leurs efforts et sur leur héroïsme;
Des français, en tout temps, on connaît le civisme.

MONTALBAN.

Terreurs, piège, embuscade, allarme, explosion,
Voilà ce que promet la conspiration:
Sous un fort que chérit de Néhri la vaillance,
Lorsqu’un bruit imprévu surprend sa vigilance,
De deux mineurs instruits le soin libérateur
En secret a placé le volcan destructeur
Qui nous doit délivrer de ce chef redoutable.
Au défaut de ce gouffre, un piège formidable

(24)
Awaits that of your words which shall give the signal
And high into in the air shall fly their arsenal,
Panic enhanced twofold by each conspirator
Who, weapon in hand, will provide us succor.
Every Frenchman is a zealous member in Alsomphe’s party,
And serves in our projects with utmost loyalty.
Nehri, stupefied, shall see lightning flashes
Only by the time he is reduced to ashes.

ALSOMPHE.

Can I believe that less dire a fate for Alsomphe
Prepares an undeniable triumph?
What! When Nehri gorges on glory,
I could surprise him in the heart of victory!
Only at his feet, could my bolts of fire,
By exploding cast his humiliated eyes asunder!…
O, seductive hope! Has everywhere your language
Endeavored to revive in all of us courage?
Think you the hearts and arms of the conspirators
Steady in their strikes and secure in their power?

LATOUR.

Count on them not to spare efforts or heroic expense
The French in all places and times are known for their civil sense

MONTALBAN.

Terror, alarm, ambush and explosion,
Such are the promises carried by our machination:
Beneath a fort watched over by Nehri’s valiance,
Suddenly an unexpected noise surprises his vigilance,
Of two learned miners the liberating care
Helped settle a volcano’s destructive flare
Which must deliver us from this most dreaded leader
Were he to survive this abyss a formidable maneuver

(25)
Non loin de son palais par nos mains est dressé.
Néhri, bientôt, verra son orgueil terrassé.

SAINT-RÉAL.

Un de leurs généraux, c’est Othello Iui-même,
Embrasse notre cause, aide à nos stratagêmes.

ALSOMPHE.

Les destins sont donc las de trahir ma valeur.
Hé quoi! des miens j’ai vu la magnanime ardeur
Eprouver les mépris, les rigueurs de Bellone,
Et cette déité consacrer sa conronne
Au chef audacieux qui, contre nos drapeaux,
Dirige, en ces climats, des athlètes nouveaux!
O revers accablant! fallait-il que la France,
Aux bords haytiens, abaissât sa puissance?…
Image que je fuis de mes lauriers passés,
Cessez de vous offrir à mes sens offensés!
Hayti triomphante a vu couvrir ses rives
Des restes désolés de mes troupes captives,
Et, désormais, d’Alsomphe et de son souvenir
On n’aura plus besoin d’instenire l’avenir,
A moins qu’un coup d’éclat, une prompte vengeance…
Mais vers nous, en ces lieux c’est Néhri qui s’avance.

(Ici, Alsomphe, ses aides de camp et l’Ambassadeur se retirent au fond du théâtre.)

*************************

SCENE IV

NÉHRI, SA SUITE, quelques généraux. NÉHRI, à part sur le bord de la scène.

Leurs complots odieux sont, partout, découverts,
Ces français conjurés, déjà, sont dans les fers;

(25)
Near his palace we did hide.
Soon we will bring down Nehri’s pride.

SAINT-RÉAL.

Othello himself, one of their generals,
Helps us in our cause and answers our calls.

ALSOMPHE.

So it appears that fate tires of betraying my valor.
Of my people I have seen the magnanimous ardor
Endure scorn, the hardships of Bellona,
And this deity consecrate her corona
To the audacious leader who, against our banners,
Commands in these climes a new band of contenders!
O painful setback! Did France have to lower
Down to Haytian shores the essence of her power?
O image that I flee of laurels of my past,
Leave my offended senses, abandon me at last!
Triumphant Hayti saw its strands covered
With the sad remnants of my soldiers captured
The memory of Alsomphe will not need, however,
To be taught or discussed in the coming future,
Unless quick revenge, a feat of glory…
But towards us now comes Nehri.

(Here. Alsomphe, his aides de camp, the Ambassador retire to the back of the stage.)

*************************

SCENE IV

NEHRI, HIS RETINUE, a few generals. NEHRI, alone on the side of the stage.

Their odious cabals are everywhere discovered,
And French conspirators already have been fettered;

(26)
Et d’Othello l’adresse, éventant leurs machines,
Les fait habilement tourner à leur ruine.

(A Alsomphe à qui il a fait signe d’avancer vers lui.)

Vous êtes dans des lieux brillans de ma splendeur,
Et vos yeux étonnés admirent ma grandeur.
Qu’étais-je, cependant? proscrit, dès ma naissance,
Précaire rejeton d’une honnête indigence;
Mais sous mes humble toits, ma médiocrité
De l’homme a maintenu la haute dignité,
Et des vertus s’il faut qu’un beau nom se prévale
Point d’illustre maison que la mienne n’égale.
Aux yeux de l’univers vous avez fait des lois,
Vous avez proclamé d’impérissables droits,
Pouvais-je, d’Hayti fardeau honteux, débile,
Des miens électrisés spectateur inutile,
De ma cause éteignant le glorieux flambeau,
Avec mon nom, descendre en la nuit du tombeau?
Non, non, j’ai mieux aimé vivre dans la mémoire,
Ah! plutôt peu de jours, mais marqués par la gloire.
Elle offre à la valeur mille sentiers nouveaux,
Et la mienne, seigneur, s’est frayé les plus beaux.

ALSOMPHE.

De nos législateurs l’équité souveraine
Aux mortels généraux ouvrait d’augustes scènes.
Ramener les humains à la fraternité,
Rappeler, ici bas, la douce égalité,
C’etait à l’univers offrir un bel ouvrage,
Et le ciel attendait cet éclatant hommage.

NÉHRI.

Qui, plus que nous grand Dieu! chérissait leurs décrèts?
Qui, mieux que nous, hélas! méritait leurs progrès?
Jaimais vaisseau lancé des bords de ma patrie

(26)
Othello’s art has quickly led their project to ruin
By exposing the inner workings of their machine.

(To Alsomphe, whom he beckons.)

Here you stand in one brilliant site of my majesty,
And your surprised eyes admire my nobility.
Yet, what have I been? Ostracized from birth,
Precarious offspring of honest indigence and dearth;
But under humble roofs, in circumstances plain
The higher dignity of man I always did maintain,
And if a pretty name of virtues should boast,
My own house is equal to the most honored host.
Under the eyes of the world you have created laws,
You have proclaimed eternal rights in the name of your cause,
Could I, a weak and shameful burden for Hayti,
Useless spectator to my brothers’ righteous frenzy,
Of my cause extinguish the glorious flame,
Descend into the night of the tomb with my name?
No, no, I like much better living in memory,
Ah! But a precious few days, but all defined by glory.
She offers a thousand new ways for bravery,
And I, Sire, have followed the paths of utmost beauty.

ALSOMPHE.

The sovereign justice of our legislators,
Opened for our generals great fields of honor.
To bring all humans towards fraternity,
To bring back here below sweet equality,
Was to gift the universe with a sumptuous present;
The heavens awaited homage so resplendent.

NEHRI.

Great God! Who, more than us, love for their decrees profess?
Who more than us, alas, deserved of their progress?
Did vessels sailing from my country’s shore ever

(27)
Par ses feux a-t-il vû votre espèce meurtrie?
Aucun de nous, jamais, chez vous a-t-il ravi
Vos ayeux, vos parens, votre épouse et vos fils,
Et pour son goût, son luxe our sa vaine parade,
A-t-il, de mers en mers, fait voguer vos peuplades?
Nous vous enrichissions, et vous nous maudissez,
Nous portions vos forfaits, vous nous en punissez,
Que nous reproche-t-on? une sainte défense,
Contre l’oppression la juste résistance.
Il était beau de plaire à votre nation;
Mais l’homme aime, partout, sa conservation,
Dès qu’on lui veut ôter un bien si nécessaire,
Le soin de le défendre est son unique affaire.
N’avions-nous pas juré de porter jusqu’au ciel
De notre liberté l’édifice immortel?
Depuis quand pense-t’on, qu’immobile et paisible,
Froid témoin des combats, à la gloire insensible,
Des miens j’eûsse pu voir les drapeaux renversés,
Les cadavres sanglans et les os dispersés?…
On insulta, dans nous, à sa céleste image,
Elle sera vengée, ou bientôt au cercueil…..

ALSOMPHE.

D’un magnanime cœur je reconnais l’orgueil.
Puisse de votre sort l’importante peinture
Puisse une confidence et si franche et si pure
Emouvoir, désarmer les maitres d’un pays
Que les haytiens refusent pour amis!

NÉHRI.

Eux seuls, les seuls français ont causé la rupture
Des deux peuples sur qui roule cette ouverture.
Ils veulent conserver un système d’horreurs,

(27)
Your race with merciless fire harm and injure?
Did any of us come to seize in your country
Your ancestors, your parents, your wife or your progeny,
And for their leisure, luxury, or for their vain procession,
Forced to travel from sea to sea your loved population?
We make you rich; for this you curse us
We bore your ills and you punished us,
What do you reproach us? Saintly defense,
To wage against oppression righteous resistance.
Sweet it was to please your nation;
But man strives for conservation,
When he would be deprived of such necessity,
Defending it becomes his sole responsibility.
Did we not make a promise all the way to the sky to carry
The immortal monument of our liberty?
Who thought that I, peaceful and immobile,
Cold witness to the fight, to honor insensible,
Could possibly observe my people’s banners battered,
Their corpses drenched in gore and their bones scattered?…
In us they insulted freedom’s celestial image,
Now she will be avenged, or soon down in the grave…

ALSOMPHE.

I recognize the pride of the generous and brave.
May this potent image of your destiny
May such a frank and pure model of testimony
Move and disarm the hearts of the masters of a land
That Haytians refuse to accept as friends!

NEHRI.

The French, only the French occasioned the break
Between the two peoples whose future is at stake
They want to save a system of horrors,

(28)
De là tous les fléaux, de là les malheurs,
Du Très-Haut outrageant la bonté souveraine,
Et méprisant les lois de la justice humaine
Ils voudraient que Néhri, sans scrupule, rendit,
Sans pudeur leur livrât ces murs qu’il défendit:
Oui, je les leur rendrais, mais croulés sous la foudre,
Mais dissous dans leur sang, ou tout réduits en poudre,
Et d’un beau désespoir mes esprits transportés
Sur leurs débris fûmans vous combattraient encore.

ALSOMPHE.

C’était émettre un vœu que votre cœur abhorre;
Mais les temps le voulaient, les ordres de l’état…..

NÉHRI.

N’en parlons plus; songez que le dernier combat
A rangé tout français sous ce naissant empire.
De vos forces, Seigneur, la jonction n’aspire
Qu’ à venir, sans délais, attaquer ces remparts,
Contre’elles ont flotté de brillans étendarts.
Osman! de mes guerriers conduits, ici, l’élite;
Que sa cause agitée et l’éclaire et l’excite!

*************************

SCÈNE V.

NÉHRI, LES PRÉCÉDENS, L’ÉLITE DES
GUERRIERS, au fond.

NÉHRI, à l’élite.

Venez, fermes appuis des bords haytiens!
J’ai voulu vous admettre en ces hauts entretiens.

(se tournant vers Alsomphe)
Quoi! vous l’avez dicté, ce dur mot, esclavage,

(28)
And with it all the plights, with it all disasters.
Which outrage the sovereign kindness of the Most High,
And mocking the rules of human justice, they imply
That Nehri should surrender without pause,
And shamelessly abandon these once defended walls:
Yes I shall return them, destroyed by fire,
Dissolved in their blood or reduced to cinder,
And with spirit in the thrall of sublime despair
On their smoking ruins I would combat you yet.

ALSOMPHE.

This was a wish your heart hopes never to see fulfill
But the times demanded, these were the state’s orders…

NEHRI.

Say no more; observe that in final encounter
All the French are arrayed under the new empire.
Your forces all joined seem in haste, dear Sire,
To attack these ramparts most incessantly,
Against them our flags stream most brilliantly.
Osman! There he leads the bravest of my warriors;
May his cause light his way and shake him with righteous tremors!

*************************

SCENE V.

AS ABOVE, NEHRI, THE ELITE WARRIORS, in the back.

NEHRI, to the warriors.

Come, stalwart defenders of the shores of Hayti!
I mean to admit you in this prestigious parley.

(turning to Alsomphe)

What! You did dictate this somber word, slavery,

(29)
Et vous ne craigniez pas que la flâme et l’orage,
S’élançant de l’abîme entr’ouvert sous vos pas,
Ne livrassent vos corps au plus affreux trépas!
Il est donc vrai, cruels! cet exécrable usage
Dont nous avons proscrit les forfaits et la rage,
Vous maintenez son règne et sa férocité,
Vous ajoutez encore à son autorité!
D’une louve avez-vous sucé la barbarie?
Vous a-t-elle transmis son sang et sa furie?
Insensés! détournez de semblables fléaux;
Pour vous ne soyez point d’ingénieux bourreaux.
Protéger l’esclavage, en consacrer les crimes,
C’est soigner pour nos bras de nouvelles victimes;
Ne croyez pas qu’aucune échappe à ce courroux
Dont la présente lutte excite encor les coups.
Ce n’est que dans le sang que trois siècles d’injures
Peuvent laver leur honte et noyer leurs murmures:
Aussi, tremblez, tyrans! tremblez de nos fureurs
Lorsqu’un dur souvenir retrace tant d’horreurs.
D’outrager l’homme, en nous, l’absurde privilège
Est aux regards divins un lâche sacrilège.

ALSOMPHE.

Sans doute un sacrilège, et si, pour ce motif,
Si, pour outrager l’homme, à mon génie actif,
On a pu confier le soin de l’entreprise,
Par laquelle Hayti devait être conquise,
Je ne m’étonne plus des afflgeans revers
Dont vient de m’accabler le Dieu de l’univers.
Partout on assurait qu’une aveugle vengeance
Détruisait tous rapports entre vous et la France.

NÉHRI.

Quoi! vous êtes, pour nous, de constans oppresseurs,
Et l’on nous fait passer pour de vils agresseurs!

(29)
And yet you do not fear that the fire and fury,
Issuing from the chasm opened beneath your feet,
The most awful of deaths to your bodies might mete!
So it is true, cruel you! this practice most horrid
Whose evils and rage we have forbid,
You will maintain its reign and its ferocity,
You come here to bolster its authority!
Is it savagery you drew from the she-wolf you suckled?
Out of the blood she passed was it fury you culled?
You fools! Turn away from such scourge, avoid this mistake,
Do not become executioners, for your own sake.
To protect slavery, to consecrate its crimes,
Is to offer new victims to our swords in these climes;
Do not think any one will elude our ire
When the current struggle exacerbates its fire.
The shame and the whispers of three centuries of outrage
Blood only can wash, only blood can assuage
So tremble, tyrants! Tremble because of our furor
When such terrible memory evokes so much horror.
The absurd privilege to insult the man in us,
Appears to divine eyes craven and sacreligious.

ALSOMPHE.

A sacrilege indeed, and if insulting the man,
Was the reason my genius was summoned to stand,
Why I was given to command the endeavor,
By which Hayti was meant to be conquered,
Then I no longer marvel at the terrible reverse
Handed me by our Lord, God of the universe.
Everywhere they swore that it was blind vengeance
That destroyed between France and you all balance.

NEHRI

What! To us you are eternal oppressors,
And you would have us pass as vile perpetrators!

(30)
Sur vous où nous vît-on hazarder des conquêtes,
Et, pour ravir vos fils, affronter les tempêtes?
Qui de l’Afrique, enfin, a su nous transporter?
Son sol était-il las pour nous de rapporter,
Et de ses purs ruisseaux les ondes si chéries
S’étaient-elles, soudain, dans leur sources taries?
Avec quel art perfide ont été présentés
A nos sens trop épris vos nectars fermentés?
Dans quelle vue? ô Ciel! pour nous créer des vices,
Pour nous donner des goûts et des besoins factices.
Des cristaux et des riens, protégeant vos progrès,
Ont fait naître, en nos cœurs, la soif de l’intérêt;
Mais du crime, toujours, un Dieu juste se venge.
De l’homme et de ses droits le sacrilége échange
Contre la main de fer, la verge du malheur
Etait pour l’avenir une source de pleurs.

*************************

SCÈNE VI.

NÉHRI, LES PRÉCÉDENS, OROZIMBO.

OROZIMBO.

Voilà d’un chef français le chapeau, la cocarde,
Que présente à Néhri notre brave avant-garde.
Au devant des périls on brûle de courir,
Et partout on promet de vaincre ou de périr.

NÉHRI.

Du jour où j’ai guidé cette ardeur précieuse
D’Hayti comptera l’époque glorieuse,
Et de Néhri le nom, les lois, l’intégrité
Peut-être passeront à la postérité:

(30)
Where were we ever seen on you to hazard conquests,
To better steal your sons, brave impetuous tempests?
Who did transport us from dear Africa’s fields?
Was her soil too tired to continue to yield,
And the beloved water from her pure streams flowing,
Had it stopped suddenly and dried up at the spring?
With what perfidious art did you venture to offer
To our dazed senses your fermented nectar?
To what end? Oh Heavens! To generate new greed,
To corrupt us with falsified tastes and need.
Cristals and baubles, protecting your progress,
Birthed deep in our hearts a hunger for interest.
But a just God always takes revenge for crime.
It was a source of tears for all future time
That most unholy trade of man and his rights
For the iron hand, for misfortune’s might.

*************************

SCENE VI.

AS ABOVE, NEHRI, OROZIMBO.

OROZIMBO.

Here are the hat and cockade of a French commander
Presented by the vanguard to Nehri our leader.
To run ahead of danger we burn with desire,
And vow to everywhere conquer or expire.

NEHRI.

From the day when I guided such precious courage
We shall begin to count Hayti’s glorious age
And of Nehri the name, laws and integrity,
Shall most certainly pass to posterity:

(31)
L’injustice du sort, le genre d’épiderme,
En nous des heureux dons n’ont point éteint le germe.
(après un moment de silence, s’adressant à Alsomphe)
Mais, Alsomphe! dis-moi; si ton humanité
Avait sur un captif étendu sa bonté,
Et qu’il aurait voulu de tes pleurs se repaître,
Quelle peine aurais-tu destinée à ce traître?….

ALSOMPHE, à part.

Dieu! serait-il instruit?.. serait-ce un piège offert?…
(à Néhri.)
Ah! mes mains, pour jamais, le plongeraient aux fers.

NÉHRI.
Tu viens de prononcer ta terrible sentence,
Et tes crimes ont mis le terme à ma clémence.

**************************

SCÈNE VII.

NÉHRI, LES PRÉCÉDENS, OTHELLO,

OTHELLO, accourant.

Quoi! ce traître vous voit! vous lui parlez! grand Dieu!
Quant il jure, en son cœur, la perte de ces lieux!
Il en impose encor, quand sa main criminelle
D’un vaste embràsement prépare l’étincelle!
C’est peu qu’en son esprit il roule un tel dessein,
L’ingrat n’aspire, hélas! qu’à vous percer le sein.
La trâme qui les berce est, sous mes yeux, ourdie,
Et j’ai, jusques au bout, suivi leur perfidie.

NÉHRI, à Alsomphe.

Ah! serpent que Néhri dès long-temps au trépas!…
Ici, les seuls forfaits ont donc marqué tes pas,

(31)
The injustice of fate, the hierarchy of skin,
Have failed to extinguish the roots of divine gift within.
(after a moment of silence, addressing Alsomphe)
But tell me, Alsomphe! Had your humanity
Extended to a prisoner its magnanimity,
And he then would pretend to claim your tears for his nourishment,
Pray what would the traitor then receive for a punishment?…

ALSOMPHE, aside.

God! Does he know? Is this a deception?
(to Nehri.)
Ah! With my own hands I would surely throw him in a dungeon.

NEHRI.

You have just uttered your own dread condemnation,
Your crimes have put a stop to my compassion.

*************************

SCENE VII.

AS ABOVE, NEHRI, OTHELLO,

OTHELLO, running.

What! Good God! This traitor sees you! You speak to him!
When he vows in his heart to lead this place to ruin!
Still he gloats, when his criminal hand
Prepares the spark to set fire to the land!
Well enough that such evil design would fill his head
The ingrate aspires, alas! To stab and leave you dead.
The plot of their fancy is hatched under my eyes
Their treachery I followed and see here finalized.

NEHRI, to Alsomphe.

Ah! You serpent! Your death long spared by Nehri!…
Here your steps were marked by naught but infamy,

(32)
Ah! monstre! il est donc vrai! tu n’avais d’autre envie
Que de donner la mort à qui tu dois la vie.
(à l’élite des guerriers.)
Soldats! saisissez-vous de ces traîtres français;
De l’astre qui nous luit, qu’on les prive, à jamais;
(à Rosalban.)
Allez, emparez-vous de ses autres complices;
Pour eux mêmes complots, pour eux même supplice.
Qu’à l’instant on les plonge en d’affreux souterrains;
Volez; exécutez mes ordres souverains.

(Ici on entraine Alsomphe et sa suite.)

*************************

SCÉNE VIII.

NÉHRI, LES PRÉCÉDENS.

NÉHRI.

De ses dards renaissans quelle horrible furie
Déchire, ainsi, le sein de ma triste patrie!
Français! dont nous étions les fidèles amis,
Français! qui nous rendez vos mortels ennemis,
Français! dont les forfaits font frémir la nature
Que nos membres sanglans vous servent de pature!
Effrayé de tels mets, de vos faits digne prix,
Que l’univers entier vous couvre de mépris!
Puissent de vos destins les miens être les maîtres,
De vos derniers soupirs, à leur gré, se repaître!
Puissai-je voir la foudre, en sillons redoublés,
Consumer les débris de vos châteaux aîlés!
Et Que, partout, proscrits, vils jouets sur la terre,
Sur vous s’étende encor la céleste colère!

(32)
Ah! Monster! It is true! For him that grants you breath
You have not other plan than to offer him death.
(to the elite troops.)
Soldiers! Seize these French traitors;
Deprive them of sunlight forever;
(to Rosalban.)
Go now, and capture his abettors;
They shared the same cabal, they share the same fetters.
In terrible dungeons throw them immediately
Fly; carry on my sovereign order swiftly.

(Alsomphe and his retinue are taken away.)

*************************

SCENE VIII.

AS ABOVE, NEHRI.

NEHRI.

With what renewed bolts does this horrible fury
Thus tear apart the bosom of my sorrowful country!
Frenchmen! Of your friends we once were the most loyal,
Frenchmen! You have made us your enemies most mortal,
Frenchmen! Whose infamy all nature abhor
May you feast on our limbs dripping with gore!
Horrified with this meal, worthy prize for your fight,
May the whole universe cover you with despite!
May my destiny master your destiny,
May it, in your whispers find due satiety!
Oh that I could see lightning, its fire so terrible,
Fall down to consume the ruins of your castles!
See you, outlaws everywhere, vile playthings in the mire,
Onto yourselves excite divine, celestial ire!

(33)
SCÈNE IX.

NÉHRI, LES PRÉCÉDENS, ROSALBAN.

ROSALBAN.

Déjà j’allais, Seigneur, à vos ordres soumis,
M’acquitter du devoir à mon zèle commis,
Et mes soins vigilans, redoutables aux vices,
Aux souterrains guidaient Alsomphe et ses complices,
Il s’échappe soudain; plus léger que l’éclair,
Surprenant un soldat, il enlève son fer,
Saute sur le coursier que conduisait un guide
Disparaît à nos yeux, ainsi qu’un trait rapide,
Et vers nos sommités dirige son essor.
Eludant ma poursuite, il évite son sort.
Quel est mon désespoir! une intacte carrière
Peut, seule, en ma faveur, fléchir votre colère.

*************************

SCÈNE X.

NÉHRI, LES PRÉCÉDENS, ALZINCA arrivant.

ALZINCA.

Seigneur, les ennemis innondent nos guérêts,
Leurs flots ont épuisé de l’art tous les secrets.
L’air traversé frémit de boulets, de mitrailles,
En masse, un vaste corps marche vers ces murailles.

NÉHRI, à Rosalban.

Que sur tous les vaincus les terribles guichets,
Tournant sur leurs pivots, gémissent pour jamais;
Va, cours, vole, obéis; que des cieux la lumière
De tout vil oppresseur se cache à la carrière.
(Rosalban sort.)

(33)
SCENE IX.

AS ABOVE, NEHRI, ROSALBAN.

ROSALBAN.

I was on my way, Sire, to execute your order,
Performing zealously my dutiful endeavor,
Guiding to their dungeon Alsomphe and his kin
Under my vigilant care, the enemy of sin,
Suddenly he escapes; and faster than quicksilver,
Surprising a soldier he steals his rapier,
Jumps on the steed one of our guides did lead,
And disappears from view at incredible speed,
Making for our mountains with all rapidity,
Evading my pursuit, he escapes destiny.
The despair I now feel! Only my pristine record
Can now play in my favor and moderate your word

*************************

SCENE X.

AS ABOVE, NEHRI, ALZINCA arriving.

ALZINCA.

Sire, the enemies are streaming through our fallows,
The secrets of the art of war washed away with their flows.
The air trembles with cannonballs, grapeshot and shellfire,
Their numerous units march en masse towards our stone barrier.

NEHRI, to Rosalban.

Let these terrible windows turn on their hinges fast,
And over the vanquished moan their last;
Go, run, fly, obey; let heaven’s light
Of all vile oppressors disappear from the sight.
(exit Rosalban.)

(34)
(à Orozimbo.)
Du haut de nos remparts, nos tonnerres d’airain
Vont par vous foudroyer un colosse si vain.
(Orozimbo sort.)
(à Alzinca.)
Jusqu’au fond de leurs rangs, en manœuvres savantes,
Pénétrez, à propos, par des charges brillantes.
(Alzinca sort.)
A l’orgueil imposant de cet énorme corps
Je vais de ma tactique opposer les ressorts.
(aux autres Généraux.)
Qu’un ordre exact, épais, au dehors de nos portes,
Couve, et cache en son sein, pour ces viles cohortes,
Les mortels élémens dont il est composé,
Et que par lui, soudain, le français écrasé
Eprouve, en expirant, les effets du tonnerre.
O transport de la gloire! ô volupté guerrière!
(à Osman)
Assurez d’Hayti le sacré pavillon
Foudres, flâmes éclairs, sulphureux tourbillons,
A travers vos hazards, oui, je me précipite!
L’honneur vient de parler, un saint transport m’agite.
Volez, haytiens! imitez ma valeur;
Néhri ne sera plus ou vous serez vainqueurs.
(à sa Suite.)
A de nouveaux combats Hayti vous appelle,
A ses tendres accens portez un nouveau zèle.
Intrépides appuis! dignes fils des héros!
Allons de nos ayeux interroger les os,
Dans les sentiers de Mars retrouver leur poussière;
Invincibles amis! volez dans la carrière
Que vous ouvrent l’honneur, votre cause et vos droits.

(34)
(to Orozimbo.)
Atop our ramparts, our iron thunder
Unleashed by you will stun this vain monster.
(exit Orozimbo.)
(to Alzinca.)
in learned maneuvers, ride when necessary,
In brilliant charges through the lines of the enemy.
(exit Alzinca.)
To the massive pride of this enormous army
I shall oppose the powers of my strategy.
(to the other Generals.)
Let our ordered line, outside our gates,
Hatch and hide in its midst, for these vile confederates,
The mortal elements of which it is made,
May the Frenchman, by them suddenly slayed
Suffer, in his death throes, the effects of thunder.
O swet transport of glory! O bellicose pleasure!
(to Osman)
Secure Hayti’s sacred banner
Lightning, fire, whirlwinds of sulfur,
Through your hazards, yes I do hurry!
Honor has spoken, a holy transport moves me.
Fly Haytians! Emulate my valor;
You shall be victors or Nehri shall expire.
(to the Retinue.)
To new battles Hayti calls you,
To her tender accents fight faithfully anew,
Worthy sons of heroes! Intrepid supporters!
Let us question the bones of our ancestors,
In the fields of Mars let us find their dust;
Invincible friends! Fly to glory you must
Your honor and your cause, your rights an open path do clear.

(35)
Bientôt les ennemis vont entendre ma voix,
Trembler de nos assauts, frémir de notre audace!
Jusqu’aux voûtes du Ciel élevons notre race;
Vengeons la liberté, de nos travaux objet,
Vivons ou périssons dignes d’un tel projet.
Vivre libre ou mourir! d’une cause si juste
C’est le cri solennel et le serment auguste.

Fin du Second Acte.

(35)
Soon all our enemies my dreaded voice shall hear,
And shake at our boldness, tremble at our assault,
Let us elevate our race up to Heaven’s vault;
Let us avenge freedom, the object of our exertion,
Let us live or perish worthy of such conception.
Hear the august oath and most solemn cry
Of our just cause: let us live free or die!

End of Second Act.

(36)

*************************

ACTE III.

SCÈNE PREMIÈRE.

LES GÉNÉRAUX haytiens, assis en cercle,
ALZINCA, arrivant.

ATALBA.

HÉ quoi! Néhri, sans nous a franchi ces remparts!
Dit-on de quels côtés il brave les hazards?

OTHELLO.

N’en doutons pas, amis! sa noble impatience
Veut vaincre les tyrans, avant que leur présence
Sous ces murs renouvelle et périls et trépas.
Harcelent les tyrans, il retarde leurs pas.

ALZINCA, arrivant.

Oui, de nouveau, pour nous le destin se déclare,
Des rivages gaulois les cohortes barbares
Ont fléchi sous nos coups: de leur juste trépas
La terre fûme encor non loin de Maurepas. (*)
Epiant des français les projets, les démarches,
A leurs yeux abusés je dérobe ma marche.
A sonder le terrain ces brigands occupés
Se voyant, tout à coup, investis et coupés.
Ils volaient au butin, ils trouvent le carnage,
Ils rêvaient au triomphe, ils rencontrent la rage,
Le désespoir, la honte et le tragique sort
De ceux qu’entraîne, au loin, l’ardente soif de l’or.
Combien de coups fameux et de traits héroïques

(*) Ancien nom d’un lieu situé sur le grand chemin du Limbé à la Capitale.

(36)

*************************

ACT III.

SCENE ONE.

THE HAYTIAN GENERALS, sitting in a circle,
ALZINCA, arriving.

ATALBA.

What’s that I hear? Nehri passed the ramparts without us!
Do they say on what side does he display his boldness?

OTHELLO.

Dear friends! Let us not doubt that his noble impatience
Means to defeat the tyrants before their presence
Under these walls causes more perils and deaths.
By harassing the tyrants he slows down their progress.

ALZINCA, arriving.

Yes, once again destiny declares for our hand,
And barbaric cohorts come from the Gallic strand
Buckled under our blows: near Maurepas(*) the sod
Is still steaming that was drenched in their blood
After spying on their every project and plan,
I escaped the deluded eyes of the Frenchmen
Occupied at seeing how the land lies,
These brigands saw themselves cut off and in ties.
They were flying to plunder, they found butchery,
They were flying to glory, they encountered fury,
The despair and the shame and the tragic fate
Of those dragged away by thirst for gold and plate.
How many famous feats, how much heroic endeavor

(*)Former name of a location on the road from Limbé to the Capital.

(37)
Honorent notre armée et sa fougue énergique!
Non, jamais, des Troyens les exploits tant cités
N’ont égalé ce feu, cette intrépidité
Tels n’étaient point les Grecs, aux rives du Scamandre,
Quand le vainqueur d’Hector réduisait tout en cendres.
De Bellone, pourtant les regards adoucis
Dans les cœurs les plus chauds et les plus endurcis
Semblaient tenir la rage, un instant, suspendue….
Sitôt, de rang en rang, mon ardeur répandue
Porte dans les esprits ces puissans stimulans
Qui du triomphe sont d’infaillibles garans.
J’apprends que sur Vertière (*) une foule impunie
Aspire à diriger son funeste génie,
J’y vole….. un gros formé de brillans officiers,
Aux approches du pont, fait tète à nos guerriers;
Déjà le traître Alsomphe, un écumant de rage,
S’élance, et fait voler la mort et le carnage,
Néhri,… c’était lui-même…. accourt, et ce héros
Des guerriers fabuleux efface les travaux.
D’un front où la valeur traça son caractère,
D’une voix qui ressemble aux éclats du tonnerre:
« Alsomphe mort ou vif; soldats, point de quartier: »
Il dit, et contre Alsomphe il presse son coursier,
Il parle, et des français l’horrible boucherie
Des nôtres enflâmés assouvit la furie.
Bientôt volent dans l’air mille glorieux cris,
On n’entend que les noms d’Hayti, de Néhri;
Sur ce noble théâtre encor plein de sa gloire
Le Soldat enivré célèbre sa victoire:
Ces pleurs, ce sang, ces morts, ces lauriers précieux,
Ces faisceaux éloquens, sont encor sous mes yeux.

(*) Nom d’un endroit distant d’un quart de lieue de la ville du Cap-Henry, où les haytiens se sont mesurés vigoureusement avec les français.

(37)
Honor our army and its energic ardor!
Never did the Trojans’ vaunted audacity,
Equal this fire, this intrepidity,
Such were not the Greeks, on the banks of the Scamander,
When Hector’s victor reduced all to a cinder.
Yet in the hottest of hearts, and among the hardest,
Bellona’s soft gaze seemed a moment to rest,
And hold in abeyance indomitable fury…
Soon from line to line, spread my gallantry
Carried in all minds those strong motivations
Infallible guarantees of final jubilation.
I learn a fearsome throng can currently be found
Its dreadful genius to Vertière(*) now bound,
I fly… the main composed of brilliant officers,
Close by the bridge faces our warriors;
Now treacherous Alsomphe, his mouth foaming with rage,
Steps up and lets fly death and carnage,
The hero, Nehri…for it was him… makes haste
And to these fabulous warriors’ travails lays waste
On his brow, where valor carved his character,
With a voice resembling the outbursts of thunder:
“Alsomphe dead or alive; soldiers, no quarter:”
He says, and against Alsomphe his steed does maneuver,
He speaks, and horrid butchery
Of the French placates our kinsmen’s fury.
A thousand glorious cries soon resound in the air
The names of Hayti and Nehri above all heads now tear
On this noble theater still full of his glory
The intoxicated Soldier celebrates his victory:
The gore, the dead, the precious laurels, the cries
The eloquent fasces, still occupy my eyes.

(*)Name of a place a quarter of a league from Cape Henry, where the Haytians fought vigorously against the French.

(38)
OROZIMBO.

Honneur, brave soldat! à l’attaque intrépide
Qu’a fait aux ennemis ta surprise rapide!
Dans les travaux de Mars si tes progrès sont tels,
Jusqu’où vont retentir tes exploits immortels?
A Maurepas détruire une horde importune,
Des français, à Vertière, ébranler la fortune,
De ce ramas impur nettoyer nos chemins,
Pour l’illustre Alzinca ce n’est qu’un coup de main.
Heureux qui, de Néhri secondant les prodiges,
Honore, ainsi, ses jours par de nobles vestiges!

*************************

SCÈNE II.

NÉHRI, LES PRÉCÉDENS, SA SUITE,au fond du théâtre.

NÉHRI.

Avec les rangs français accélérant leurs pas
Vont renaître, bientôt, les périls, les combats;
Sur nos tentes la gloire, en étandant ses aîles,
A fait étinceler ses clartés immortelles.
Partout où brilleront vos devoirs respectifs,
A mes plans, au moment, montrez-vous attentifs;
Consultez le terrein, que le français succombe!
Qu’au pied de ce rocher, au désespoir, il tombe!
Cet Etna sous lequel il se sent oppresser
Sous ses faibles efforts ne peut se renverser.
A vos noms la patrie apprête un nouveau lustre
Qui la sauve ou la venge est, à jamais, illustre.
Entendez-vous, d’ici, l’auguste liberté
Qui souffle, en tous les cœurs, son esprit, sa fierté?
A ses mâles accens, l’éclair luit, le ciel tonne,
Le sol tremble, et le gouffre, en mûgissant, résonne,

(38)
OROZIMBO.

Honor, brave soldier! To the intrepid assault
Unleashed on the enemies in quick onslaught!
If in the toils of Mars, such is your progress
How far shall be sung your immortal success?
In Maurepas you destroyed an invading army,
In Vertière you unsettled French destiny,
To clean this impure scum off of our counties,
Is for famed Alzinca but the easiest of duties.
May he be glad who, following Nehri’s wonders,
Thus honors his existence with such noble endeavors!

*************************

SCENE II.

AS ABOVE, NEHRI, HIS RETINUE, at the back of the theater.

NEHRI.

With French lines now moving at faster pace
Soon new perils and combats we shall face;
Over our tents, glory, extending her wings,
Will dapple us with her immortal shining.
Wherever your respective duties shall shine
When you give your orders prove attentive to mine;
Study your terrain, let the Frenchmen relent!
At the foot of this rock, let them complete their descent
This Etna under whose oppression they yearn
Through feeble efforts they can never overturn,
For your names your nation prepares a novel splendor,
For if you save or avenge her your names will live forever.
Can you hear the marvelous liberty, from this side,
Breathing in all hearts its spirit and its pride?
To its male accents, lightning gleams, the sky bellows,
The earth shakes and the moaning chasm echoes,

(39)
Et l’orgueil, qui voulait escalader le ciel
En poussière retourne, à son front immortel.
Des tyrans si, pour vous, elle punit les fautes,
Ah! sachez mériter une faveur si haute
Je dois quelques instans aux projets de ce jour
Qui doit de nos exploits énorgeuillir le cours,
Après ces brefs délais dûs aux soins de l’empire,
Je fonds sur l’ennemi, je triomphe ou j’expire.
(il sort avec sa suite.)

*************************

SCÈNE III.

LES PRÉCÉDENS, rangés en cercle.

OTHELLO.

De ces bords libérés vengeurs et conquérans!
Destructeurs des abus! écueils sûrs des tyrans!
Qu’à l’illustre Hayti nos nobles destinées
S’empressent de fournir de célèbres journées!
Hé quoi! des bords français les fières légions,
Ont porté leurs drapeaux jusqu’en ces régions,
Et s’attaquent aux fils de ce brûlant tropique!
Formez vos bataillons, courages énergiques!
Les temps sont arrivés: Que nos bras immortels
A notre sainte idole élèvent des autels!
Où sont-ils ces héros dont j’ai chéri les traces?
Où sont les compagnons de ma bouillante audace?
Amis! réveillez-vous; Othello des combats
Appelle les périls, provoqué un beau trépas.

THAMAS.

De ton âme, Othello! la chaleur électrique
A fait naître, en la mienne, un transport héroïque.
Il est donc vrai, grand Dieu! qu’aux regards de Thamas
Doivent encor briller la foudre et les combats.

(39)
And pride, which meant to climb up into space
Returns in dust to cover his immortal face.
If for you it punishes tyrants for their error,
Know to deserve so high a favor
I owe a few instants to the projects of the day,
Whose course our feats should positively sway,
After these brief delays encurred in care of the empire,
I swoop down on the enemy, triumph or expire.
(exit Nehri with his retinue.)

*************************

SCENE III.

AS ABOVE, arrayed in a circle.

OTHELLO.

Avengers and conquerers of these liberated shores!
Destroyers of abuses! Pitfalls of oppressors!
May our noble destinies to celebrated Hayti
Provide illustrious days with utter celerity!
What! From Gallic strands the proud legions
Carried their banners to these regions,
And now attack the sons of this burning latitude!
Assemble your battalions, your courageous attitude!
The time has come: may our arms immortal
Elevate new altars to our saint idol!
Where are the heroes whose example I treasure?
Where are the companions of my heated ardor?
Friends! Awake! Othello now calls
defies beautiful death and challenges all perils.

THAMAS.

From your soul, Othello! Fervor of the electric sort
Has birthed in me a most heroic transport.
In Thamas’ eyes—great God, so ‘tis true!
Thunder and battle still must shine through.

(40)
Patrie! arme mes mains; viens à moi, viens, vengeance!
Retrace à mes esprits trois siècles de souffrances,
Tu verras quels affronts dans l’oubli si plongés
Par mes justes fureurs ne seront pas vengés.
Oui, je veux que, marchant sur des os, des décombres,
Entourré de fumée et de tremblantes ombres,
Partout où s’étendront de mon bras les succès,
On cherche, en vain, l’aspect, les restes d’un français.
Des cruautés quiconque a comblé la mesure
Doit, pour lui, tout trouver hors des lois de nature.
Les pervers!… violant les droits les plus sacrés
Ils ont du crime, ici, franchi tous les degrés;
Du torrent débordé j’imiterai la rage,
Et d’un cœur indomptable on connaîtra l’ouvrage.

ATALBA.

Les vents impétueux, par Eole enhardis,
Quelque fois font pâlir les nochers interdits,
Mieux vaudrait, mille fois, que leur cruel ravage
Des français eût causé la perte et le naufrage,
Plutôt que de s’offrir à mes terribles coups.
Rien de cher, de sacré, pour mon juste courroux.
Jusqu’à ce que le sort à notre espoir réponde,
De spectres et d’esprits j’effrayerai ce monde.
Tel on voit des mortels l’affreux saisissement
De la comète en feu craindre l’embrâsement,
Telle, ici, frémira l’âme atteinte et flétrie
Du français redoutant ma barbare furie.
Avant qu’il se reforme ou reprenne son rang
Je vais le foudroyer, le noyer dans son sang,
Et des fastes guerriers ma valeur idolâtre
Va s’immortaliser sur ce sanglant théâtre.

OROZIMBO.

D’Orozimbo le Ciel exauçant les souhaits
Va donc lui ramener les perfides français,

(40)
Dear country! Arm my hands; sweet vengeance, come to me!
Trace anew in my mind centuries of misery,
You shall see if, for outrage thus kept in oblivion
My righteous fury shall not find retribution.
Yes, I wish that walking on rubble and cadavers,
Surrounded by smoke and trembling specters,
Everywhere my success in combat shall be found,
In vain shall one look for a Frenchman above ground.
Those whose cruelty expands beyond all measure
Must find their fate outside the laws of nature.
Wretches!… Violating the most sacred rights
They have conquered crime’s tallest heights;
In my rage I shall be like the overflowing river,
And this indomitable heart shall make known its labor.

ATALBA.

Impetuous winds, emboldened by Aeolus,
Will sometimes silence blanching ship pilots,
A thousand times better for their cruel destruction
To cause shipwreck and havoc among the French expedition,
Rather than offer them up to my terrible fire (blows).
Nothing is dear or sacred to my righteous ire.
Until destiny responds to our longing,
With ghosts and spirits this world I shall keep frightening.
As mortals can be seen caught in awful throes,
Fearing the fiery comet’s raging inferno,
So here will the Frenchman’s withered soul quiver
In terrified wait of my barbaric anger.
Before he regroups and reforms his corps,
I shall blast him and drown him in his own gore,
My valor, ever thirsty for warlike deed,
On this bloody stage the call of posterity shall heed.

OROZIMBO.

Orozimbo’s wishes are now fulfilled by Heaven,
Which brings him the perfidious Frenchmen,

(41)
Que deviendront vos noms, vos antiques prouesses,
Fameux héros romains, fiers enfans de la Grèce?
Aujourd’hui d’Hayti les nobles rejetons
Vont éclipser vos faits, et ternir vos fleurons;
Ils portent le tonnerre, et plus d’un autre Alcide
Brûle de s’élancer de leur foule intrépide.
Que tardez-vous? français! paraissez à nos yeux;
(tirant son épée.)
Glaive, sur qui l’orgueil d’Orozimbo se fonde!
Vous ne reposerez, aux autels suspendu,
Que quand le vil français au tombeau descendu….

ALZINCA.

Ma valeur n’a jamais descendu dans l’arène
Que pour l’ensanglanter des plus horribles scènes,
Moins terrible apparaît le lion rûgissant
Quand il fond, affâmé, sur les troupeaux tremblans.
O héros! ô Néhri que ma patrie encense!….
« (*) Ah! si le sort, un jour, terrassait ma vaillance
» Mes enfans! a-t-il dit? qu’on exhume mes os!
» Dérobés à la nuit de l’eternel repos
» Que mes débris poudreux, ma cendre déplorable,
» Restes froids et muets d’un courage indomptable,
» Placés, dans la tempête, en tête de vos rangs
» S’opposent aux efforts des perfides tyrans!
» D’un héros la poussière aux hazards faisant face
» Partout des oppresseurs terrassera l’audace.»

(*) On a tâché d’exprimer, ici, en vers, les paroles du Roi, dans un de ces momens où son âme généreuse embrassait le soin même de l’avenir pour ses chers compatriotes.

(41)
What will become of your names and your antique feats,
You famous Roman heroes, you proud sons of Greece?
Today the noble offspring of Hayti,
Will eclipse your deeds and dim your glory;
Like so many new Alcides, all carrying the thunder,
They burn to soar out of the intrepid muster.
Why tarry? Frenchmen! Appear before our eyes;
(drawing his sword.)
Blade, basis of Orozimbo’s pride!
You shall only rest, hanging to the altar,
When the last Frenchman descends to his sepulcher.

ALZINCA.

I have never descended into the coliseum
But to bloody its sand with scenes most gruesome,
Less terrible does the roaring lion appear
When starving he pounces on the trembling deer (herd).
O hero! O Nehri, so praised by the country!
“(*)If Fate should one day lay low my bravery
“My children! He says, unearth my bones!
“Steal them from the night of eternal repose
“May my dusty remains, my deplorable cinder
“Stay cold and silent with unstoppable valor,
“And in front of your ranks, held into the tempest,
“Put the efforts of perfidious tyrants to the test!
“Put in hazards’ way, the relics of a hero
“The courage of oppressors everywhere shall lay low.”

(*)We have attempted here to express in verse, the words of the King, in one of those moments when his generous soul embraced the very future of his dear compatriots.

(42)
Oui, Néhri! ton destin sera, pour ces climats,
De les servir encore au delà du trépas.
Paraissez, ennemis! à l’entour de nos postes;
Venez, offrez, en vous, des milliers d’holocaustes:
D’un tel sang Alzinca, jamais tant altéré
N’a frémi de la soif dont il est dévoré.
Que de fronts avilis dans les flots du cocyte
Ma fureur, en ce jour, entraîne, et précipite!
Malheur à qui conduit par le sort inhumain
Tombera, tout vivant, dans mes sanglantes mains.

ROSALBAN.

Et moi, dans la chaleur du feu qui me transporte,
D’un front inaltérable, à la première porte,
Le corps ceint des cordons du drapeau d’Hayti,
Je lance mille morts au français investi.
Quand, pour sa liberté, l’ennemi le menace,
Du brave Rosalban rien n’égale l’audace,
Ah! puisse de nos droits l’arbre si précieux,
De mon sang arrosé, triompher en ces lieux!
(montrant son écharpe.)
Pour ôter de mon bras une telle parure
Il faut que dans mon cœur une large blessure….

OSMAN.

Mourons, haytiens! et puissent de nos os
Pour notre liberté renaître des héros!
Amis! je vous seconde: ici, sur cette place,
Si les rangs ennemis, de nouveau, me font face,
Vous verrez leurs tronçons épars, pulvérisés
Attester la valeur qui les aura brisés.
A ce poste d’honneur j’attache ma fortune,
Elle veut une gloire aux guerriers peu commune…
Mais le héros paraît.

(42)
Yes, Nehri! It shall be your destiny,
To serve these climes even into eternity.
Appear, enemies! Appear around our posts;
Come and offer yourselves to a thousand holocausts:
Alzinca never felt such desire for this blood,
His thirst shakes him not though it yearns for this flood,
May my fury today drag and hurl
Many a debased brow down in Cocytus’ swirl!
Woe to them who, driven by inhuman trends
Shall fall alive in my blood-dripping hands.

ROSALBAN.

And I, in the heat of this fire borne,
To the sturdy frontlines of the field, battle-torn,
Wrapped in the cords of the flag of Hayti
I launch a thousands corpses at the French enemy.
When the adversary threatens his liberty
Nothing equals bold Rosalban’s bravery,
Ah! May the precious tree of our rights,
Watered with my blood, triumph on these heights!
(pointing to his scarf.)
To deprive my breast of such finery
In my heart a tremendous injury…

OSMAN.

Haytians, let us die! And may from our ashes come
A new breed of heroes to defend our freedom!
Friends! I second you: here, in this place,
If enemy ranks again I do face,
You shall find their remains, severed and scattered,
Evidence of the courage by which they were battered.
To this post of honor I attach my fate,
It demands glory to which few warriors can relate…
But the hero appears.

(43)

*************************

SCÈNE IV.

NÉHRI, LES PRÉCÈDENS, SA SUITE au
fond du Théâtre
.

NÉHRI.

Intrépides guerriers!
De la bombe, en nos champs, les éclats meurtriers
Annoncent les assauts: des français les phalanges
Ont déjà vu leurs rangs prosternés dans la fange,
Et nos braves soldats, agitant leur drapeaux,
Veulent voir mon front ceint du casque des héros.
A leur tête ils verront ce casque et mon armure,
Ils suivront, de nouveau, ma guerrière parure;
Ce panache flottant, aux plaines de l’honneur,
Servira de boussole aux yeux de la valeur.8
A mes sens est présent ce tissu d’artifices
Dont la France ourdissait de ses plans l’édifice,
Retracez-vous ces temps de désolation,
Ces fers et ces gibets pour notre nation;
Sous les pieds des coursiers nos familles foulées;
Et l’épouse et la fille, à nos yeux immolées
Sur le corps de leurs fils les pères expirans;
L’enfance et la vieillesse, en vain, lors implorant…
O déchirant tableau! non, jamais les furies
N’ont montré tant de rage et tant de barbarie.
Si le ciel épargna ces farouches tyrans,
Pour qui réserve-t-il ces carreaux foudroyans?
(à Alzinca)
Allez, cher Alzinca, que votre prévoyance
Veille sur les hauteurs, sur le mont Providence.

(43)

*************************

SCENE IV.

AS ABOVE, NEHRI, HIS RETINUE in the back of the Theater.

NEHRI.

Fearless warriors!
the deadly bomb fragments in our pastures
Announce the coming assault: the French phalanx
Already in the mire has seen prostrated its ranks,
And our brave soldiers, as their banners they wave,
Wish to see on my brow the helmet of the brave.
This helmet and armor at their head they shall see,
Again they shall follow my warlike finery;
This floating plume, in the plains of honor,
Shall serve as a compass in the eyes of valor.8a
Vivid to my senses is the thick web of lies
Which France through their schemes meant to rise.
Remember these times of desolation,
The scaffolds and irons used on our nation;
Our families trampled under the hooves of horses;
Sacrificed in our view, the daughters and spouses
Fathers left to die on their sons’ remains;
Youth and old age alike, imploring in vain…
O heart-rending scene! No, never did the Furies
Show so much rage and so much savagery.
If these ferocious tyrants Heaven does spare
For whom are these lightning darts prepared?
(to Alzinca)
Go, dear Alzinca, and may your prescience
Watch over the heights, from mount Providence.

(44)
Dans l’épaisseur des bois qui contournent nos forts
Tenez cachés et prêts d’intrépides renforts.
(Alzinca sort.)
à Atalba.
Partez, courez, volez; rejoignez l’avant-garde;
D’admirer vos grands coups à votre chef il tarde.
(Atalba sort.)
à Othello
Toi vaillant Othello! va, fonds sur les convois;
Incommode leurs flancs; réduits-les aux abois.
(Othello sort.)
à Thamas
Et toi, brave Thamas! en échec tiens le centre;
Dans la fange, à ta voix. que cette horde rentre!
(Thamas sort.)
à Rosalban.
Généreux Rosalban! oui, tu me l’as promis:
A la première porte, on verra l’ennemi
Satisfaire, en tombant, à ma juste colère.
Lâchement supplier, en mordant la poussière.

ROSALBAN,

Oui, je vous l’ai promis, et puisse l’éternel
Du succès couronner ce serment solennel! (Il sort)

NÉHRI, à Orozimbo.

Superbe Orozimbo! rentre dans la carrière;
Va, pars, et d’Hayti dirige le tonnerre;
Frémissez, oppresseurs! préparez vos tombeaux;
Vers nos remparts, déjà, s’avance Orozimbo
(Orozimbo sort)

(44)
In the thick of the woods that surround our battlements
Hold hidden and ready fearless reinforcements.
(exit Alzinca)

To Atalba.
Rejoin the vanguard, go, run, fly;
Your terrible blows your leader longs to glorify.
(exit Atalba.)

To Othello
You, valiant Othello! Go, pounce on their train;
Harass their flanks, bring them despair and pain.

To Thamas
And you, brave Thamas! Hold the center in check;
At your voice may this horde sink down to their necks!
(exit Thamas)

To Rosalban.
Generous Rosalban! indeed, you swore to me:
At the first gate we shall see the enemy
Collapse and satisfy my righteous ire.
Dastardly beg as he wallows in mire.

ROSALBAN,

Yes, to this I swore, and wish that the Almighty,
May bless with success my solemn testimony (exit Rosalban.)

NEHRI, to Orozimbo.

Superb Orozimbo! The fray do enter;
Go, harness and command Hayti’s thunder;
Tremble, oppressors! And ready your grave;
To our ramparts advances Orozimbo the brave
(exit Orozimbo)

(45)
NÉHRI.

Toi, maître des destins! toi, le dieu des batailles!
Toi, dont l’esprit sacré raffermit les murailles!
Ah! bénis mes travaux; prête aux mains de Néhri
Ce glaive flamboyant, celui que tu chéris
Quand tu veux aux pervers constater ta puissance:
Il revient à mon bras, je venge l’innocence.
Quoi! sans motifs, partis du bout de l’univers
Ces despotes altiers nous présentent des fers! ….
Entre leur rage et nous les vagues mûgissantes
N’ont donc fait qu’établir des bornes impuissantes!
Leur génie en triomphe…. à ces bords malheureux
Plus de paix, de repos: laissant loin derrière eux
De morts et de mourans nos campagnes jonchées,
Ils courent aux assauts, ils volent aux tranchées,
Et notre seul salut, en ce pressant danger,
Est, grâce à leurs fureurs, de n’en point espérer.
De Dieu n’ont-ils reçu tant de dons en partage
Que pour éterniser, en ces lieux, l’esclavage?
Eux qui devraient, plutôt, dignes de ces faveurs,
En orner notre esprit, en décorer nos cœurs!
Ah! qui l’eût dit, Grand Dieu! que d’horribles misères,
Qu’on est tenté de mettre au nombre des chimères
Tant leur cruel tableau révolte les esprits,
Eûssent dû des vertus être l’indigne prix?
De la fidélité voilà la recompense!…..
Ainsi l’on reconnait le zèle et la constance!….
Hé bien, vengeons le ciel, la nature, en ces lieux;
C’est à moi d’arrèter ce torrent furieux.

(45)
NÉHRI.

You, master of destiny! You, god of battles!
You, whose sacred spirit strengthens the walls!
Ah! Bless my efforts; lend the hands of Néhri
This blazing sword, the object of your fancy
When you want perverts to witness your power:
It is back in my hand, so I avenge candor.
What! Without motive, from the end of the aeons
These haughty despots present us with irons! …
The roaring waves, between us and their ire
Could only raise a useless barrier!
Their genius tramples it…. And on these sorry shores
No more peace or rest: leaving behind them scores
Of dead and dying over our plains to lie,
They rush to the assault, to our trenches they fly
And our only salvation, in this pressing danger,
Is not to expect mercy in the face of their furor.
Have they received so few favors from the Almighty
That they would here maintain slavery for eternity?
When they should rather, if worthy of His gifts,
Adorn our with them our hearts and our spirits!
Ah! Who could have told, Great God! That so much misery,
That one might think it all the work of fantasy,
So revolting to our souls was its cruel tableau,
That the despicable cost of virtue would be such woe?
Here is the reward for fidelity!
Thus are honored zeal and constancy!…
On these shores, let us avenge nature and heaven
Stopping this furious stream shall be my burden.

(46)
Déjà tarde l’instant à mon impatience,
Et sur mon front gravée une noble assurance….

*************************

SCÈNE VI.

NÉHRI, OSMAN, L’ÉLITE des guerriers.

OSMAN.

D’ici, l’on voit, Seigneur, aux rayons du soleil,
Briller des ennemis le farouche appareil;
L’élite des guerriers, en son ardeur extrême,
Déjà vole au devant de vos ordres suprêmes.

NÉHRI, (en ce moment le canon des forts se fait entendre)

En éclats redoublés j’entends tonner les forts,
Quels rangs audacieux s’avancent à la mort?
Allons, et que ce bras, aux forfaits redoutable,
Plonge, au fond des enfers, cette hydre épouvantable.
(à l’élite des guerriers.)
Adieu, braves soldats! vivre libre ou mourir! (il sort.)

*************************

SCÈNE VII.

OSMAN, L’ÉLITE des guerriers.

OSMAN.

Soldats! pour Hayti quel jour! quel avenir!
Partout autour de nous on sent trembler la terre,
Nous sommes devenus les rivaux du tonnerre.
Entendez-vous ces cris, ces foudres, ces éclats?
Voici le jour de gloire et l’heure des combats:
Néhri vole aux périls exposer sa personne,
Suivez ses fiers coursiers, ce sont ceux de Bellone.

(46)
Waiting for this moment with impatience,
My brow marked with noble confidence…

*************************

SCENE VI.

NEHRI, OSMAN, THE ELITE of warriors.

OSMAN.

From here, Sire, in the light of the sun,
The fearsome equipments of our enemy glisten;
The elite of warriors, in its extreme ardor,
Flies to achieve your supreme order.

NEHRI, (as the forts’ cannons make themselves heard)

I hear the forts thunder in redoubled blasts,
What audacious troops advance to death at last?
Let us go, and may the dreadful hydra
By this arm of terrible deeds be plunged into Gehenna.
(to the elite of warriors.)
Farewell brave soldiers! Live free or die! (exit.)

*************************

SCENE VII.

OSMAN, THE ELITE of warriors.

OSMAN.

Soldiers! What a day for Hayti! What a future so nigh!
Every where around the earth quivers,
We have become the rivals of thunder.
Can you hear the cries, the blasts, the clashes?
Now is he day of glory, the hour of combat approaches:
Nehri flies to expose himself to dangers,
Follow his proud horses, they are Bellonna’s chargers.

(47)
Où courent ce vieillards, ces femmes, ces enfans?
C’est de la liberté le zèle triomphant;
C’est de nos citoyens l’intéressante foule
Qui, vers mon sûr appui se précipite, et roule….
(on entend le bruit des combattans.)
La tempête s’approche… et jusqu’en notre sein
La guerre a des français ramené les desseins,
Qui s’avance, en courant?

UN OFFICIER, hors d’haleine.

Ayant franchi nos plaines,
Et parcourant de Mars les routes incertaines,
Les français harcelés enfilaient les détours
Que forment de nos monts les bizarres contours,
Et leurs flots courroucés menaçaient notre ville;
Néhri, bouillant en lice, en ses calculs tranquille,
A mesuré leurs rangs, leur jeu, leur profondeur,
Et contre eux a conçu de ses plans la hauteur.
Il dit, et de ces bords l’invincible phalange
Court, déployant son ordre, en bataille se range:
Son ensemble ménage, en ses dimensions,
Un succès infaillible aux évolutions.
Soudain, le plomb chassé vole, en sifflant, et frappe,
Le boulet, en grondant, de sa prison s’échappe.
Tour à tour triomphans, tour à tour dispersés.
On voit vingt bataillons rompus et renversés,
On rûgit, on foudroye, on se tue…. et leur race
Jure de réussir, et d’enlever la place.
Un héros les entend…. il leur va repliquer.
Néhri vole à sa foudre, et la fait démasquer….
Du salpètre, bientôt, les épaisses fumées,
Ont de leurs tourbillons couvert les deux armées,
Mille globes d’airain, renfermant le trépas,
Sur le cruel français se brisent, en éclats;

(47)
Where do the elderly, women and children run?
Interesting crowd of our citizens;
Triumphant zeal of our liberty
Toward my safe support rushing steadily…
(the sound of combatants is heard.)
The tempest approaches… and into our lives,
War has brought the Frenchmen’s designs,
But who comes here running?

AN OFFICER, out of breath.

Having crossed our plains,
Traveling Mars’s precarious terrain,
Harassed, the French followed the detours
Made up of our mountains’ strange contours,
And their angry waves threatened our city;
Nehri, aching to fight, but calm in his strategy,
Has measured their ranks, their depth and their order,
And against them designed elevated maneuvers.
He speaks, and the invincible throng is on its way
Runs, deploys its lines, draws in battle array:
Together his soldiers build in their progress,
An unimpeachable and fated success.
Suddenly lead flies, whistles and hits,
The howling cannonball its narrow prison exits.
At times overcoming, at times disbanded
Twentysome battallions are crushed and remanded,
They roar and thunder, they kill also… and their race
Vows to triumph and by storm take the place.
A hero hears them… and a hero will answer
Nehri flies to his fire, and has it uncovered…
Soon, the thick smoky clouds of saltpeter,
With their billows the two armies cover,
A thousand brazen orbs of death the vessels,
Over the cruel Frenchman break in a thousand shrapnels;

(48)
A ce fracas horrible un farouche silence
Dont un excès de rage a causé la naissance
Et un instant succède: on se mèle… on n’entend
Que de la baïonnette un affreux croisement….
On pare, et l’on attaque,.. on est blessé, l’on blesse..
On succombe, et l’on frappe….

OSMAN, levant les yeux au Ciel.

O foudre vengeresse!

L’OFFICIER.

Néhri…. Dieu! quels rayons enflâmaient ses regards!
Néhri, fier et sanglant, paraît sur les remparts,
A Rosalban prescrit de livrer le passage
Où doit des ennemis s’ensevelir la rage.
Vous eûssiez vu, soudain, des tigres enferrés,
Entr’eux se disputant des membres déchirés….
Mais le français chancelle, et perd, déjà, courage,
Néhri, qui du moment a saisi l’avantage,
Sur ces débris rompus ordonne de charger;
Aussitôt au français s’offre un nouveau danger:
Nos centaures fougueux font retentir la terre.
Tel, suivi du ravage et des feux du tonnerre,
Des cavernes d’Eole un enfant orageux,
En s’échappant, renverse, et détrruit en tous lieux,
Tel on voit Alzinca, dans sa charge effrayante,
Moissonner des tyrans la horde chancelante.
Au poste du péril Néhri toujours premier
Aux yeux de ses soldats, sait se multiplier,
En ce jour si fameux, sa valeur se surpasse,
Des plus déterminés il foudroye l’audace.
D’un front majestueux, d’un geste menaçant,
D’un œil où la terreur a peint ses traits frappans,
En provoquant Alsomphe, on voit que sa vaillance

(48)
To this horrible fracas a ferocious silence
Whose birth was caused by excess violence
Instantly succeeds: they merge… all that is heard
Are their bayonets so dreadfully clattered…
They attack, they parry…. They injure and are wounded…
They perish, and they hit…

OSMAN, raising his eyes to the Sky.

O vengeful thunder!

THE OFFICER.

Nehri… By God! What rays burned in his stare!
Nehri, proud and bloody, on the ramparts he appears,
He orders Rosalban to open a path
In which to bury the enemy’s wrath
Suddenly they were like tigers in chains
Fighting each other for torn remains.
But the Frenchman staggers, already loses courage,
Nehri, who now has gained the advantage,
Gives the order to charge these broken debris
The Frenchman faces a new emergency:
Our fearsome centaurs make the earth ring.
Like a stormy child from the caves of Aeolus, escaping
Overturns and destroys all in every quarter,
Followed by the ravages and fires of thunder,
So in the dreadful charge, launched at his behest
See Alzinca the stumbling horde of tyrants harvest.
Nehri, always first in the perilous post
Knows how to multiply in the eyes of his host,
In this famous day his courage is tenfold,
He overwhelms the ardor of even the most bold.
With a majestic brow, with a threatening gesture,
With an eye where terror drew its most dreadful feature
And, provoking Alsomphe, one can see his valiance

(49)
Dans le cœur du français cherche notre vengeance.
Mais l’orage s’accroît!… hé quoi!… déjà, les cris,
Les coups des combattans ont frappé nos esprits!….

UN OFFICIER, tout essoufflé.

De Néhri, de ses mains une atteinte mortelle
Vient de frapper Alsomphe, et ce français chancelle;
Soutenu par les siens, il poursuit cependant
Le cours de ses travaux et son commandement.

OSMAN.

Je l’attends, à mon poste, et quoiqu’il en arrive,
Osman va l’envoyer à l’infernale rive.

*************************

SCÈNE VIII.

LES PRÉCÉDENS, NÉHRI, ses Généraux, ALSOMPHE mourant, L’ÉLITE des Guerriers, la Foule du Peuple et de l’Armée.

NÉHRI, dans la coulisse.

Enfans! serrez les rangs; et feu de bataillon.

ALSOMPHE, dans la coulisse.

Arrachez d’Hayti l’orgueilleux pavillon;

NÉHRI.

Grenadiers! en avant;

ALSOMPHE.

Croisez la baïonnette;

(49)
In the heart of the frenchman seeking our vengeance.
But the storm thickens! What! The blows of adversaries,
And their cries have tainted our souls already!…

AN OFFICER, out of breath.

A mortal blow, from Nehri’s hands delivered,
Has struck Alsomphe, and the Frenchman now staggers;
Yet, he follows, held up by his men,
The course of his labors, the duty of command.

OSMAN

Come what may, at my post I take my stand
Osman will dispatch him to the infernal strand.

*************************

SCENE VIII.

AS ABOVE, NEHRI, his generals, ALSOMPHE dying, THE ELITE of warriors, a crowd of inhabitants and the Army.

NEHRI, backstage.

Children! Tighten the ranks; ready for fire, battalion.

ALSOMPHE, backstage.

Pull down Hayti’s proud pavilion;

NEHRI.

Grenadiers! Onward;

ALSOMPHE.

Charge bayonets;

(50)
NÉHRI, entré en scène.

A moi; j’ai la victoire.

ALSOMPHE, porté en scène sur un brancard.

Ah! j’entends la trompette!…
Elle sonne ma chute et les chants glorieux
Du triomphe qui vient de délivrer ces lieux…..
Ce n’est plus qu’au travers d’une gaze funèbre
Que j’entrevois ce jour devenu si célèbre…..
Devenu si célèbre!… ô fureurs!… ô tourmens!…
Ces mots ont dans mon cœur plongé mille serpens.
Inexorables Dieux! Quoi donc! Alsomphe expire,
Quand Hayti triomphe, et quand Néhri respire!…

(Ici les généraux haytiens tiennent leurs
glaives suspendus sur Alsomphe, jusqu’à
ce qu’il ait rendu le dernier soupir
.)

Et ma gloire, à jamais, périt sur ce rocher!…
O désespoir!… ô honte!… où fuir?… où me cacher?…
Mais un refuge s’offre au transport qui m’irrite,
A mes vœux l’enfer s’ouvre…. et je m’y précipite.
(Il expire.)

NÉHRI.

Enfin, j’ai vû tomber sous nos coups immortels
De nos fiers ennemis le sceptre et les autels.
En vain j’ai soupiré pour la paix et ses charmes
Notre cause exigeait la ressource des armes,
Et ce n’est qu’en donnant ces terribles leçons
Que je sauve Hayti, ses nobles nourissons.
Mais, quoiqu’il en puisse être, il faudra qu’on admire
Nos traces, ici bas, les lois de cet empire.

(50)
NEHRI, on stage.

Come to me; I am victorious.

ALSOMPHE, carried on a stretcher onto the stage.

Ah! I hear the trumpets!…
Sounding my fall and the glorious chant
Of the triumph that comes to deliver this land…
It is only through a funereal haze
That I can now perceive this most famous of days…
Most famous!… O fury!… O torments!…
These words are in my heart like a thousand serpents.
Implacable Gods! What! ‘Tis the end of Alsomphe
When Nehri lives and glories in Hayti’s triumph!…

(here the Haytian generals hold their swords
above Alsomphe, until he breathes his last
.)

And on this rock forever perishes my pride!…
O despair! O shame!… Where to run?… Where to hide?….
But I see a refuge for this infuriating emotion,
Hell opens at my wishes… and to it I hasten.
(he expires.)

NEHRI.

At last, I’ve seen tumble at our immortal blows
The scepter and the altars of our proud foes.
In vain did I sigh for peace and its charms
Our cause demanded we take recourse to arms,
And only in giving such a terrible lesson
Do I save Hayti and its noble children.
Still, come what may, all shall admire
Our footsteps here below, the laws of this empire.

(51)
Gloire immortelle et pure au peuple haytien!
Honneur à la patrie! elle applaudit aux siens;
Aux héros, désormais, ils serviront d’exemple.
Victoire! haytiens! accourez tous au temple;
Enrichissez l’autel de superbes festons;
Au triomphe accordez vos accens et vos tons;
Suspendez vos drapeaux, ces tissus magnifiques,
De l’état, de Néhri monumens énergiques;
Vainqueur des fiers français et de peuples anciens,
Il est beau d’exister, et d’être haytien.
Au ciel tout la mérite, au ciel toute la gloire!
Lui seul donne ou refuse, à son gré, la victoire.
Tremblez, vils ennemis de ce naissant état!
La foudre est en nos mains, l’égide à notre bras.
Frémissez, en ce jour, tyrans de l’innocence!
Plus longs sont vos excès, plus longue est la vengeance.
Les cieux sont appaisés, et nos fronts triomphans:
Vive Hayti vengée et ses nobles enfans!

Fin du troisième et dernier Acte.

(51)
Pure and immortal glory to the people of Hayti!
Honor to the motherland! She applauds her family;
To heroes, henceforth, they shall serve as model.
Victory! Haytians! Hasten to the temple;
Adorn the altar with splendid festoons
Your accents and tones to triumph do tune;
Hang up your flags, these magnificent garments,
To the state and Nehri dynamic monuments;
Victor of ancient people and of the proud Frenchmen,
How sweet it is to exist, and to be haytian.
All merit to Heaven, to Heaven all glory!
God alone gives or takes away victory.
Tremble, vile enemies of this fledgling state!
Lightning is in our hands, on our arms shield and plate.
Now shudder, your tyrants of innocence!
The longer your excesses, the longer our vengeance.
The skies are now appeased, our brows shine triumphant
Long live Hayti avenged and her noble descendants!

End of the third and last Act.

Références

  1. L’Argument offre une version alternative du débarquement initial de l’expédition de Saint-Domingue. Historiquement, après avoir attendu en vain au large du Cap que Christophe autorise ses navires dans le port, le 4 février 1802 Leclerc ordonna à ses troupes de débarquer. Le contingent commandé par le général Rochambeau débarqua au Fort-Liberté et réduisit la batterie de l’Anse, massacrant tous les prisonniers. Le 4 au soir, Christophe ordonnait l’évacuation et l’incendie du Cap. Le lendemain, le général Leclerc et sa division débarquaient au Limbé, alors que le général Humbert prenait possession des ruines du Cap.
  2. Les noms des personnages évoquent des textes divers du XVIIIème siècle situés dans des contrées exotiques et présentant des protagonistes de couleur. Othello est bien sûr le général Maure de la tragédie de William Shakespeare (1603). Orozimbo est le nom du cacique du roman de Marmontel, Les Incas (1777). Atalba évoque l’Inca Ataliba dans le texte de Marmontel et la pièce d’August von Kotzebue, Die Spanier in Peru (1796). Thamas est le nom donné à Nader Shah Afshar, shah de Perse, dans la biographie du Père Jean-Antoine Du Cerceau, Histoire de Thamas Kouli-Khan, roi de Perse (1743). Osman, le nom du fondateur de l’Empire Ottoman au XIVème siècle, est couramment associé au monde musulman dans la littérature d’Europe de l’Ouest. On trouve beaucoup d’Osmans dans la littérature française du XVIIIème siècle, notamment dans l’opéra-ballet de Rameau Les Indes Galantes (1735) ou dans les Lettres d’Osman de Saint Foy d’Arcq (1753).
  3. Dans cette scène, les paroles de l’Ambassadeur évoquent différents passages de la lettre du général Leclerc à Henry Christophe datée du 14 Pluviôse An X. Ici, notamment, “…le gouvernement envoie à Saint Domingue des forces capables de soumettre les rebelles, si toutefois on devait en trouver à Saint Domingue.”
  4. Le passage cite l’expression employée par Napoléon Bonaparte dans sa proclamation: “Qui osera se séparer du capitaine-général sera un traître à la patrie, et la colère de la République le dévorera comme le feu dévore vos cannes désséchées.”
  5. Une référence à la Campagne d’Égypte (1798-1801). Initialement commandée par le général Napoleon Bonaparte, cette expédition visait à arracher l’Égypte à l’Empire Ottoman ainsi qu’à obtenir une position stratégique d’où défier la présence anglaise en Orient. Après des victoires initiales, les troupes françaises se virent coupés du continent quand la flotte anglaise dirigée par l’amiral Horatio Nelson détruisit la flotte française en rade d’Aboukir en 1799. Bonaparte repartit pour la France en 1799, laissant ses troupes aux ordres du général Kléber. L’armée d’Égypte finit par capituler en 1801, quelques mois avant le départ de l’expédition de Saint-Domingue.
  6. Nouvelle référence à la lettre de Leclerc à Christophe: “… je vous rends responsable de tout ce qui arrivera.”
  7. Nouvelle référence à la lettre de Leclerc à Christophe: “je vous préviens que si, aujourd’hui, vous e m’avez pas fait remettre les forts Picolet, Belair, et toutes les batteries de la côte, demain à la pointe du jour quinze mille hommes seront débarqués.”
  8. Ce passage compare indirectement Henry Christophe au roi Henri IV. D’après l’anecdote racontée par Agrippa d’Aubigné dans son Histoire Universelle, pendant la bataille d’Ivry en 1590, Henri, portant un panache blanc à son casque, déclara à ses troupes: “Si vous perdez vos cornettes, ralliez-vous à mon panache blanc: vous le trouverez sur le chemin de la gloire et de l’honneur !” L’anecdote est reprise par Voltaire dans son Henriade: “Ne perdez point de vue, au coeur de la tempête,/Ce panache éclatant qui flotte sur ma tête;/Vous le verrez toujours au chemin de l’honneur.”
References

  1. The events described in the Argument offer an alternative version of the initial landing of the Leclerc expedition. Historically, having waited at sea near Cap for Christophe to allow his ships into port, General Leclerc ordered his troops to land on 4 February 1802. The units commanded by General Rochambeau landed at Fort-Liberté and took the battery at Anse, slaughtering all the prisoners. On the evening of the 4th, Christophe ordered Cap evacuated and set on fire. The day after, Leclerc and his division landed at Limbé, while General Humbert took over the ruins of Cap.
  2. Character names evoke a series of 18th century texts taking place in exotic locales and featuring protagonists of color. Othello obviously refers to William Shakespeare’s tragedy of the same name featuring a Moorish general (1603). Orozimbo evokes the eponymous cacique in Marmontel’s 1777 novel Les Incas. Atalba echoes the Inca Ataliba, mentioned both in Marmontel and in August von Kotzebue’s 1796 play Die Spanier in Peru. Thamas evokes Nader Shah Afshar, shah of Persia studied in a biography by Père Jean-Antoine Ducerceau entitled Histoire de Thamas Kouli-Khan, roi de Perse (1743); Osman, the name of the founder of the Ottoman Empire in the 14th century, was commonly associated with the Muslim world at large. Many characters named Osman appear in French literature of the 18th century, as for example in Rameau’s 1735 opera-ballet Les Indes Galantes, or Saint Foy d’Arcq’s Lettres d’Osman (1753).
  3. The French ambassador’s words throughout this scene evoke Leclerc’s 14 Pluviose year X letter to Henry Christophe, notably ‘…the government sends to Saint Domingue forces capable of subduing rebels, were any to be found in Saint Domingue.’
  4. The passage quotes Napoleon Bonaparte’s Proclamation to the inhabitants of Saint-Domingue: “Whosoever dares part with the Captain-General [Leclerc] will be deemed a traitor to the homeland, and the wrath of the Republic will devour him like fire devours your dried canes.”
  5. A reference to the French Campaign in Egypt (1798-1801). Initially led by Napoleon Bonaparte, the military expedition meant to wrest Egypt from the Ottoman Empire and obtain a strategic position from which to challenge English power in the wider East. After initial military successes, the French found themselves cut off from the continent after the English navy led by Admiral Horatio Nelson destroyed the French navy at Aboukir. Bonaparte left the expedition in 1799. French troops left in Egypt eventually capitulated to the English in 1801, months before Leclerc launched on his expedition against Saint Domingue.
  6. Another reference to Leclerc’s letter to Christophe: “… I hold you responsible for everything that will happen.” </spa
  7. Another reference to Leclerc’s letter to Christophe: “I warn you: if today you do ont surrender the forts Picolet and Belair, as well as all the batteries of the coast, tomorrow at dawn fifteen thousand men will land.”.
  8. This passage appears to evoke a famous episode in the legend of French King Henry IV. During the battle of Ivry, he allegedly wore a white panache on his helmet, so that his troops could find him in the heat of battle. In the Henriade, his epic poem dedicated to the king, Voltaire writes: “Mark the white plume which from my helmet flows/Make it your guide thro’ this tempestuous day/Foremost in honor’s path it leads the way.”